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« 5° Les églises existant actuellement continueront d’être, et les missionnaires anglais continueront leurs fonctions sans être molestés; il en sera de même pour tout autre culte : personne ne pourra être molesté ni contrarié dans sa croyance.

« À ces conditions, la reine Pomaré et ses grands chefs demandent la protection du roi des Français, laissant entre ses mains et aux soins du gouvernement français ou à la personne nommée par lui et avec l’approbation de la reine Pomaré, la direction de toutes ses affaires avec les gouvernemens étrangers, de même que tout ce qui concerne les résidens étrangers, les règlemens de port, etc., et le droit de prendre telle mesure qu’il pourra juger utile pour la conservation de la bonne harmonie et de la paix.

« Signé : POMARE,

« PARAITA, REGENT. — UTAMI, HITOTI, TATI. »


L’amiral du Petit-Thouars acceptait la demande de protectorat ainsi formulée, sous réserve de la décision de son gouvernement, qu’il avisait des faits accomplis et des mesures prises.

Le 25 mars 1843, le roi Louis-Philippe ratifiait dans un document contre-signé par M. Guizot, ministre des affaires étrangères, l’acceptation conditionnelle de l’amiral; le 14 octobre, M. Bruat, alors capitaine de vaisseau, débarquait aux îles Marquises en qualité de gouverneur des établissemens français de l’Océanie et de commissaire du roi près la reine des îles de la Société.


I.

L’Angleterre ne voyait pas sans ombrage la France prendre pied dans l’Océanie. L’entente cordiale n’excluait pas la méfiance, et le cabinet de Londres la poussait loin quand il s’agissait d’occupations maritimes. À cette époque, prévoyant peut-être par une sorte d’intuition secrète, devançant en tous cas les rapides développemens de la navigation, l’Angleterre visait à acquérir dans l’Océan-Pacifique des ports de relâche et des points stratégiques. Maîtresse du continent australien, elle tenait en échec Sumatra, Java, Bornéo, les îles de la Sonde et l’entrée du golfe de Bengale. Sa colonie du Cap lui assurait libre accès dans l’Atlantique sud et la mer des Indes. Dans le Pacifique, deux points importans éveillaient ses convoitises : les îles Sandwich, dans l’hémisphère nord; les îles Marquises et l’archipel des Pomotou dans l’hémisphère sud. Séparés par une étendue de mer de 800 lieues sans port d’atterrissement, l’archipel des Sandwich et ceux des Marquises et des Pomotou sont les deux clés du Pacifique. Au nord des Sandwich, 900 lieues de mer libre s’étendent jusqu’à la presqu’île d’Alaska. Des Pomotou