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anciens tribunaux de reprendre leurs fonctions, le pouvoir des nouveaux étant un pouvoir usurpé.

Avec cette proclamation révélatrice avaient été saisies d’autres pièces, notamment des messages adressés aux lieutenans du comte de Saillans, leur faisant connaître les dispositions prises pour mener le complot à bonne fin.

« Que l’étendard de la contre-révolution soit déployé partout le même jour et à la même heure, » disait l’une de ces circulaires, qui prescrivait en même temps à M. de Blou de se mettre à la tête des royalistes de diverses localités. L’autre confiait le commandement de dix communes à l’abbé de la Bastide de la Molette, en enjoignant aux populations de lui obéir.

Après avoir lu ces pièces, le directoire départemental ne put douter de la réalité d’une vaste conspiration. L’avis que lui fît parvenir la municipalité de Berrias le convainquit que cette conspiration allait éclater. Il envoya sur-le-champ au président de l’assemblée nationale un messager porteur des pièces saisies, un autre au général de Montesquiou-Fézensac, général en chef de l’armée du Midi, qui avait son quartier-général sur la frontière de Savoie, à Bourgoin, dans l’Isère. Il demanda des secours à Marseille, à Montpellier, à Nîmes, à Mende. En les attendant, il distribua toutes les armes dont il put disposer à six cents volontaires levés dans le département et qui se préparaient à rejoindre leurs régimens; il les envoya à Joyeuse, où lui-même se transporta afin d’être plus près des événemens et, réunissant à ces volontaires quelques compagnies du 38e de ligne en garnison dans le département, il mit cette petite armée sous les ordres du lieutenant-colonel Aubry. Dans le premier conseil de guerre tenu à Joyeuse, on décida, après un sérieux examen de la situation, de ravitailler le fort de Bannes, de se porter sur les postes menacés par le comte de Saillans, afin de les défendre contre lui, et enfin d’établir un cordon de troupes entre son centre d’opérations et le département de la Lozère, d’où il pouvait attendre des secours.

Toutefois, ces préparatifs exigeaient quarante-huit heures que les royalistes pouvaient mettre à profit pour étendre et consolider leur action. D’autre part, les troupes envoyées contre eux n’étaient pas de premier choix. On avait tout à craindre d’elles, des attentats contre les personnes et les propriétés et même une défection. Des secours étaient donc nécessaires et impatiemment attendus. Par malheur, la désorganisation de l’armée était telle qu’il ne paraissait pas aisé de les réunir avec autant de promptitude et en aussi grand nombre que l’exigeaient l’imminence et la grandeur du danger. Le général de Montesquiou, partagé entre la nécessité de défendre la frontière contre une invasion possible et l’obligation de