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et paraissait devoir devenir le point central de la résistance qui s’organisait déjà contre les bandes du comte de Saillans. Mais cette proposition fut le poussée; elle indigna même quelques gardes nationaux, qui disparurent sous le prétexte qu’ils ne voulaient pas s’associer à des brigands. L’idée de marcher sur les Vans fut abandonnée. Le comte de Saillans se contenta d’envoyer de tous côtés des détachemens composés d’hommes sûrs, charges de lui ramener des soldats dont le rendez-vous était fixé à Saint-André-de-Cruzières.

Pendant ce temps, le directoire départemental prenait connaissance des pièces saisies sur l’un des individus que le lieutenant Roger avait arrêtés; elles lui révélèrent l’étendue et la gravité des périls qui menaçaient l’ordre légal. La plus importante de toutes était une proclamation du comte de Saillans appelant le peuple aux armes :

« Peuple fidèle à votre Dieu, à votre roi, levez la tête, disait le commandant de l’armée royale; assez et trop longtemps elle a été courbée sous le joug des plus vils tyrans ; assez et trop longtemps, vous avez été le jouet de la faction la plus impie et la plus barbare. La patrie déchirée, la monarchie renversée, la religion horriblement persécutée, le trône avili, le roi captif et dégradé, tous les gens de bien opprimés demandaient au ciel et à la terre, depuis trois ans, les vengeurs de ces affreux attentats, de ces épouvantables désordres... Seuls vous tentâtes deux fois de réussir dans cette grande et glorieuse entreprise; mais vous ne pûtes avoir le succès désiré, parce que vous n’aviez pas de chefs, que vos moyens étaient insuffisans, qu’ils n’étaient pas combinés avec les forces invincibles des grandes puissances et des bons Français qui doivent les seconder dans toutes les provinces, parce qu’en un mot le moment n’était pas venu. Le voici, réjouissez-vous; que les méchans tremblent; le jour de la vengeance est arrivé, la foudre est prête, elle va éclater sur leurs têtes criminelles et les écraser. Vous manquiez de chefs, de moyens et d’appui; vous allez avoir tout cela. Nous sommes nous-mêmes un de ces chefs... Nous venons vers vous, peuple généreux et fidèle au meilleur comme au plus malheureux des rois, pour nous mettre à votre tête et diriger vos efforts... »

Ce préambule se continuait par l’énumération des griefs des royalistes : les encouragemens donnés dans le Midi aux protestans, les autels abattus, les ornemens du culte profanés, les églises incendiées, leurs curés emprisonnés, les châteaux mis au pillage et détruits, les clubs victorieux et triomphans. Venait ensuite une pressante invitation de s’armer pour la religion et le roi. Défense était faite de reconnaître les fonctionnaires publics établis par la constitution, de payer aucun impôt. Ordre enfin était donné aux