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quelques furieux se jetèrent dans la chambre sans que les factionnaires essayassent de faire résistance. Ginhoux et deux des soldats furent tués à coups de sabre, et l’un de ceux-ci précipité par la croisée. Les autres allaient périr de même quand le prêtre attendu arriva pour remplir les devoirs de son ministère. Il dut constater qu’un grand crime venait d’être commis. Il prit sous sa protection les deux condamnés qui survivaient à leurs compagnons, les fit ramener devant le comte de Saillans, auprès de qui il sollicita leur grâce. Elle lui fut accordée, mais à la condition qu’ils marcheraient et combattraient avec les royalistes.

Tel fut le sanglant prélude de la prise d’armes du Vivarais, meurtre inutile et odieux dont le souvenir fut souvent invoqué, à titre de justification, par d’autres assassins, dans les représailles qui suivirent. Après la défaite des royalistes, une instruction fut ouverte pour découvrir les auteurs de ce forfait. On arrêta plusieurs individus sur lesquels pesaient de graves soupçons. C’étaient pour la plupart de modestes artisans connus pour leurs opinions royalistes. Ils furent interrogés, opposèrent aux témoignages invoqués contre eux des dénégations énergiques et, en définitive, le meurtre de Berrias demeura impuni.

Au moment même où il venait de s’accomplir, on vit apparaître dans la commune la plupart des gardes nationaux que la municipalité contrainte et forcée avait fait partir la veille pour le château de Bannes. Après avoir fait acte de présence parmi les assiégeans, ils s’étaient sauvés pour rentrer dans leurs foyers. Leur désertion excita la colère du comte de Saillans.

— Si ces hommes ne retournent pas sur-le-champ là d’où ils viennent, dit-il au maire, je mets le feu à votre village, je vous en avertis.

On dut lui obéir, car il eût exécuté sa menace, convaincu de la nécessité de faire un exemple. Déjà les nouvelles que lui transmettaient ses lieutenans signalaient les difficultés qu’ils rencontraient pour obliger les paysans à aller au combat. Tant qu’il ne s’était agi que de promesses el d’engagemens pour l’avenir, ces braves gens s’étaient montrés résolus, presque enthousiastes. Mais maintenant qu’on leur demandait de passer des sermens et des bravades à l’action, ils y mettaient moins d’empressement. La crainte d’un danger couru pour une cause désespérée paralysait leur courage. Il fallait user de rigueur, employer la force pour les contraindre à marcher. Les partisans du comte de Saillans en étaient réduits à organiser de véritables razzias, des battues générales pour ramasser des soldats. Ils arrivaient dans les communes qui avoisinent Bannes, à Brabic, a Naves, à Gravières, au Folcherand, ils convoquaient les gardes nationaux.