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conduite par un jeune officier, qui n’était autre que le chevalier de Melon et qui le somma, au nom du roi, d’avoir, lui et les siens, à évacuer le fort, sommation à laquelle il répondit par un refus énergique. Le chevalier de Melon mit alors le siège devant le château, s’empara du village, ordonna à la municipalité de cesser d’envoyer des approvisionnemens aux assiégés et d’en pourvoir sa troupe. Puis, ayant constaté que cette municipalité s’exécutait de mauvaise grâce, il lui fit défense formelle de s’assembler et de délibérer sur quelque objet que ce fût.

Bien qu’il y eût dans sa conduite une grande part d’initiative personnelle, elle était cependant conforme aux ordres qu’il avait reçus du comte de Saillans. L’expédition du lieutenant Roger sur Saint-André-de-Cruzières, l’arrestation d’un individu porteur de ses dépêches, avaient décidé le commandant de l’armée royaliste à hâter le mouvement qui ne devait éclater, d’après ses premiers plans, que dans la nuit du 8 au 9. Tandis qu’il envoyait de toutes parts de pressans avis pour précipiter la mobilisation de son armée, il chargeait le chevalier de Melon de s’emparer du château de Bannes, où il voulait se retrancher, comme dans un centre inexpugnable d’opérations.

Lui-même, à la tête d’une poignée d’hommes, se transportait dans la journée du 3 juillet sur Beaulieu d’abord, où il réquisitionna un détachement de garde nationale, sur Berrias ensuite. Ce village est situé au bas du rocher sur lequel s’élevait le château de Bannes. En y arrivant, le chevalier de Melon réunit les autorités et les notables ; il leur signifia que toute la garde nationale devait se porter au secours des assiégeans de Bannes et contribuer à l’investissement du château. Ces pauvres gens n’osèrent résister; ils se décidèrent, pour éviter de grands malheurs, à envoyer vingt hommes à l’armée insurrectionnelle. Mais en même temps ils expédiaient un émissaire au directoire du département, afin de l’avertir. Leur résignation apparente ne les mit pas à l’abri des mauvais traitemens. Dans la soirée, le comte de Saillans s’étant rendu à Bannes, les exaltés pillèrent en son absence plusieurs maisons; ils y prirent des chevaux, des bœufs, du drap, du pain et se conduisirent comme des bandits.

A la fin du jour, la commune fut même le théâtre de scènes tragiques. Un envoi de vivres, destiné au château de Bannes, était arrivé à Berrias, escorté par quelques soldats du régiment de Dauphiné, qui ne savaient rien des événemens. La nuit les empêcha de continuer leur chemin. Ils s’arrêtèrent dans l’unique auberge de Berrias, tenue par un sieur Tournayre. Vers une heure, ils étaient attablés dans une salle basse, où, pour leur faire honneur, le maître d’école Ginhoux, ardent patriote, les avait rejoints, quand