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tant de renseignemens neufs, piquans, originaux, elles éclairent surtout l’histoire littéraire d’un si grand jour qu’elles pourraient être appelées les Mémoires de la littérature française. Les notices biographiques et bibliographiques qui accompagnent chaque volume sont des monographies auxquelles on n’ajoutera guère. Ceux qui pensent qu’il n’y a rien à trouver en littérature n’ont qu’à étudier ces notices pour s’apercevoir combien de choses, au contraire, étaient à trouver ou tout au moins à rassembler pour l’historique précis et la critique savante de nos œuvres les plus populaires. On sait aussi que, pour quelques-unes de ces œuvres, l’établissement du texte véritable et primitif a été l’objet principal. Nous aurons maintenant des classiques français édités avec le même soin et la même exactitude que les œuvres de la littérature grecque et romaine.

Parmi les œuvres en cours de publication, nous avons cite les comédies de Molière, et, au nombre des volumes de la collection récemment publiés, il y a deux volumes de ce grand poète, les tomes IV et V, lesquels contiennent précisément les plus intéressantes et les plus importantes de ses œuvres : Tartufe, Don Juan et le Misanthrope. Dans notre désir de rendre hommage à cette noble entreprise littéraire sans trop sortir du cadre de nos études habituelles, nous avons essayé de rechercher dans ces trois chefs-d’œuvre la pensée philosophique et morale qui les anime ; et, de même que nous nous étions occupé naguère de la psychologie de Racine[1], nous tenterons d’exposer dans les pages qui suivent ce que l’on peut appeler la philosophie de Molière.

Avant de nous circonscrire dans l’étude philosophique que nous entreprenons, disons cependant quelques mots de l’édition elle-même et des nouveautés qu’elle contient. Cette édition a eu du malheur; et les deux récens volumes s’ouvrent par de tristes souvenirs. Deux hommes, d’âge inégal, et qui à des titres divers étaient chers au monde lettré, ont été enlevés par la mort pendant qu’ils préparaient la suite de cette édition, dont ils avaient exécute les premiers volumes. L’un, M. Adolphe Régnier fils, qui s’était appliqué à la suite de son père à la science profonde des textes, a disparu dans toute la force de la jeunesse; l’autre, M. Eugène Despois, si connu par la noblesse de son caractère et la finesse de son esprit, n’a pas survécu longtemps à son jeune collaborateur, et n’a pu payer à sa mémoire le juste hommage qu’il se promettait de lui rendre. De ces deux écrivains, l’un était chargé de la révision du texte; l’autre de la partie littéraire. Ces deux pertes si regrettables

  1. Voyez la Revue du 15 septembre 1875.