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me comprendront, et quant au public ignorant, il est inutile de lui donner à rire. » « Le nom de Thessalus te déplaît, dit-il encore à Ramus, je ne cherche pas à te plaire. Mais je n’offense en rien ta vie privée, et jamais je n’y porterai atteinte. » Plus loin, il répète : « Il s’agit, entre nous, des bonnes lettres seulement. Dans nos discordes civiles, loin d’attaquer personne, j’ai fait mes efforts pour ramener nos adversaires par des services continuels. Ceux que vous accusez ont bravé plus d’un péril pour protéger vos amis contre la fureur de la populace. »

Charpentier, capitaine de la milice bourgeoise, avait de fréquentes occasions d’exercer l’activité modératrice dont il se vante.

Nous pourrions multiplier les citations, mais comment, sans transcrire ici tous les écrits de Charpentier, prouver qu’aucun d’eux ne laisse apercevoir l’homme ignorant, envieux, violent et hypocrite qu’on a voulu, de parti-pris, y découvrir à chaque page?

Qu’il me soit permis de conduire le lecteur par la voie que j’ai, non sans indignation, parcourue moi-même, et en rapprochant pour lui les textes des accusations qu’on y a puisées.


II.

Dans un livre plus savant qu’impartial, M. Waddington, professeur à la Faculté des lettres de Paris, a réuni, avec une érudition qui facilite le contrôle de ses jugemens, tous les titres de Ramus à notre reconnaissance et à notre respect, en s’ attachant au contraire à rendre Charpentier ridicule et odieux. Le récit de son rôle semble, en toute circonstance, une préparation à l’accusation terrible présupposée dès le commencement du livre et présentée comme constante à la fin. Cette lecture suffit cependant pour inspirer quelques doutes; il semble bien étrange, en effet, que dans une lutte si longtemps prolongée, tous les torts et tous les mauvais procédés soient d’un seul côté, et que tous les écrits d’un homme admiré de ses contemporains laissent voir son ignorance et prouvent son mauvais esprit.

Empruntons au livre même de M. Waddington les jugemens portés sur Charpentier et les citations alléguées contre lui.

Charpentier, homme d’esprit, mais d’un savoir médiocre, fort intrigant d’ailleurs, avait acquis à prix d’argent ses grades et ses dignités.

On ne rencontre dans les pièces connues aucun vestige de cette calomnie. Le titre de recteur, obtenu par Charpentier à l’âge de vingt-cinq ans, n’était pas à vendre. L’élection se faisait à deux