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L’album de Callot comprend un certain nombre de feuilles où sont reproduites des compositions de maîtres étrangers. Quoique en pleine possession de lui-même (on le voit par l’exécution de ces dessins), Callot s’est plu à copier tantôt Holbein, tantôt Lucas de Leyde, tantôt Dürer, tantôt les Lenain, tantôt Léonard de Vinci. Il pensait avec raison que, au contact du génie d’un roi, il enrichirait son propre fonds et assouplirait sa main, sans compromettre son originalité. Il reste en effet lui-même, tout en traduisant des inspirations qui ne lui sont pas personnelles. Ainsi, quand il copie la Danse des morts d’Holbein, il donne aux figures une vivacité toute nouvelle et en modifie çà et là l’expression ou les accessoires selon sa fantaisie. C’est tout à la fois une œuvre d’Holbein et une œuvre de Callot que l’on a devant soi. Peut-être est-ce d’après les dessins d’Holbein que Callot a exécuté ses propres dessins; M. Thausing le suppose, parce qu’ils se présentent dans un sens opposé à celui des gravures, tandis que les dessins reproduisant des planches de Lucas de Leyde et de Dürer sont dans le même sens que ces planches.

A côté de ces diverses copies se trouvent un grand nombre de croquis dans lesquels le maître, ne consultant que la nature ou son imagination, a laissé courir sa plume avec la spirituelle liberté qui lui était familière. C’est là que réside surtout l’intérêt de l’album ; c’est là que se montrent, dans toute leur fraîcheur, les qualités particulières de Callot. On remarquera principalement les dessins qui se rapportent au Siège de Bréda et ceux qui représentent des soldats polonais. Ce sont ces derniers dessins qui déterminent exactement la date du recueil. Jusqu’à présent on avait cru que Callot, pour préparer sa planche du Siège de Bréda, gravée à Nancy, n’avait visité les lieux qu’après la reddition de Bréda, reddition qui eut lieu au mois de juin de l’année 1625. On a désormais la preuve qu’il s’y transporta plus tôt. « Vers la fin de septembre 1624, dit M. Thausing, Vladislas Sigismond, prince de Pologne et de Suède, était venu voir l’archiduchesse Isabelle à Bruxelles et se rendit de là, avec une suite nombreuse, auprès de Spinola, qui le reçut avec pompe dans son camp et lui montra les travaux du siège, dont le prince, vaillant et savant guerrier lui-même, pronostiqua l’heureuse issue. » C’est évidemment parmi les gens qui accompagnaient le roi de Pologne que Callot a pris ses modèles; c’est la seule occasion qu’il ait eue de dessiner d’après nature ces cavaliers aux costumes pittoresques qui nous apparaissent isolés ou défilant en corps d’armée, ces personnages qu’il nous montre assis ou debout, de face ou de dos, avec leurs bonnets de fourrure surmontés de plumes, avec leurs vêtemens couverts de passementerie et de brandebourgs. Quant aux dessins relatifs au Siège de Bréda, on y sent aussi un observateur attentif et sympathique, un artiste qui a pris plaisir à rendre fidèlement ce qu’il a vu. Que de naturel, par exemple, dans ces deux cavaliers microscopiques