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prépondérante, les phénomènes seraient bien différens de ceux que nous observons : nous verrions sur la même plante, et aussi sur deux plantes différentes, les lésions s’atténuer sur les racines à mesure qu’elles offriraient une lignification plus avancée. Or, en examinant certains riparias, nous ne trouvons que des lésions insignifiantes, quand il en existe, sur les radicelles les plus jeunes, encore à l’état herbacé; dans le cas du clinton, du taylor, au contraire, le phylloxéra produit des lésions tellement graves sur des racines ligneuses de la grosseur du pouce que la pourriture pénètre jusqu’au centre. Un champignon, un organisme intermédiaire entre la plante et l’insecte, je veux dire vivant de la plante après que l’insecte y a créé un milieu propice au développement du mycélium, déplacerait la difficulté sans la résoudre, peut-être en la compliquant.

Si de telles observations sont, par elles-mêmes, pleines d’intérêt, toutes ces théories ne reposent encore sur rien de solide, et il en sera ainsi tant qu’on ne saura pas faire à l’insecte la part qui lui appartient. Tout ce qu’il est permis de dire, — et seulement lorsqu’on peut s’appuyer sur des observations rigoureusement contrôlées, — c’est ceci : « Tel cépage vit depuis tant d’années avec le phylloxéra dans telles conditions de climat, de sol, de culture; mais rien ne permet de dire combien de temps il a encore à vivre. » Il n’est pas besoin d’une grande expérience des affaires pour sentir ce que cette formule a de peu engageant pour le client; et combien plus favorable serait, dans sa concision et sa hardiesse, cette autre formule : « Tel cépage est résistant! » Les intéressés le sentent si bien qu’afin de sauver ce mot résistance, ils ont imaginé celui-ci : adaptation.

Telle plante végète mal dans un milieu dont telle autre plante s’accommode. Chez les espèces d’un même genre, même chez les variétés d’une même espèce, on rencontre des aptitudes et des exigences particulières. Étudier la conduite de chaque plante dans chaque terrain, dans chacune de ces circonstances variables à l’infini : altitude, exposition, voisinage, climat, pour utiliser chaque sujet au mieux des ressources dont On dispose, telle est, en somme, toute l’adaptation; et, si le mot a pris naissance dans l’industrie des vignes américaines, la chose est aussi ancienne que l’agriculture elle-même.

Dans cette étude, le phylloxéra n’a point de place, ou, s’il en a une, la voici : Comme la plante, l’insecte est soumis dans la nature à des influences extérieures qui lui sont, les unes favorables, les autres contraires. Lorsque la vigne se trouve placée dans un milieu contraire à elle-même et favorable à son ennemi, sa sensibilité en est accrue; on la voit descendre dans l’échelle de la résistance et accuser plus promptement les symptômes de la maladie, symptômes toujours les mêmes. Voici ce qu’en disait au congrès de Nîmes un partisan décidé des vignes américaines et de l’adaptation elle-même :