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soulever pour faire triompher leur cause. Ils ne se laissèrent arrêter ni par le triste dénoûment des événemens de Mende, ni par les avis officieux qui leur arrivaient de l’étranger et leur recommandaient de ne rien entreprendre sans en avoir reçu l’ordre formel.

Le 9 avril, lundi de Pâques, le bruit se répandit dans Yssengeaux que quelques villages des environs où dominait l’opinion royaliste étaient menacés par les patriotes. Sincères ou non, simple prétexte ou cause réelle, ces rumeurs ne permirent plus à ceux qui avaient déchaîné les passions locales de les contenir. Ils se laissèrent entraîner par le courant; peut-être même l’activèrent-ils sans songer que le caractère prématuré de leur entreprise, en les laissant isolés, en assurait la défaite. Dès le matin, la générale fut battue; toute la garde nationale se trouva debout et en armes; ses rangs furent bientôt grossis de près de deux mille paysans qui apparurent soudainement, obéissant à quelque mystérieux mot d’ordre, portant des faux et des piques. Leur arrivée déchaîna l’effroi parmi les patriotes; les uns s’enfuirent, les autres appelèrent à leur secours les gardes nationales des communes qui partageaient leurs opinions et notamment celle du Puy, qu’on savait dévouée aux doctrines révolutionnaires.

La municipalité envoya aussitôt des émissaires de toutes parts, afin de contre-balancer les suites de cet appel, dont elle présentait les auteurs comme des effrayés ou des exaltés, disposés à fomenter des troubles. Elle fit même arrêter les premiers détachemens des communes qui se présentèrent aux abords de la ville ayant presque tous à leur tête un curé constitutionnel. Conduits à la mairie, les prisonniers furent insultés en chemin. On les retint durant toute la nuit et on ne les renvoya le lendemain qu’après les avoir désarmés.

Malheureusement pour les metteurs en œuvre de l’insurrection, il n’était pas aussi aisé de barrer la route à la garde nationale du Puy, que le directoire du département avait fait partir. Lorsque, dans la journée du 10 avril, le bruit se répandit qu’elle arrivait à Yssengeaux, la population déjà surexcitée s’unit pour se défendre. Le tocsin mêla ses sonneries au bruit des tambours. Les munitions manquaient, ainsi que la poudre. On prit la poudre qui se trouvait chez les marchands; des femmes se mirent à briser des chaudrons et des marmites pour faire de la mitraille. Les meilleurs tireurs furent placés aux entrées de la ville, et la guerre civile devint imminente.

Toutefois, après avoir mesuré l’importance des forces qu’on aurait à combattre, la municipalité, alarmée par les responsabilités qu’elle allait assumer, émit l’opinion que, si des propositions de paix