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l’évêque, le chevalier de Borel, MM. Jourdan-Combettes et de Retz, le premier maire, le second capitaine de la garde nationale, et M. Charrier, notaire, maire de Nasbinals. Ces mesures avaient été prises à l’instigation de Chateauneuf-Randon, membre de l’assemblée, qui présidait en ce moment le conseil-général extraordinairement réuni à Marvejols, depuis le 17 du même mois, pour faire la lumière sur les récens incidens, aider au rétablissement de la paix et au châtiment des coupables.

Un courrier spécial fut expédié de Paris le même jour pour lui porter les ordres d’arrestation. Ce courrier était tenu de faire diligence afin d’arriver à sa destination avant que les inculpés pussent être avertis et s’enfuir. Mais des amis veillaient pour eux. Dans le nombre se trouvait l’abbé de Bruges, vicaire-général de Mende, provisoirement fixé à Paris. A l’issue de la séance dans laquelle son évêque avait été décrété d’accusation, il partit déguise en courrier, dépassa en route l’envoyé du pouvoir exécutif et entra dans la Lozère quelques heures avant lui. Arrêté à une courte distance de Mende par un maître de poste soupçonneux et conduit à Marvejols, il eut cependant le temps d’envoyer un avis à Mgr de Castellane et au chevalier de Borel, qu’il chargea de prévenir les autres intéressés. Quand on se présenta pour les arrêter, ils avaient lui dans toutes les directions. Charrier put regagner Nasbinals, son village, et vivre caché dans la montagne jusqu’au commencement de 1793, époque où il fomenta une insurrection nouvelle quilai coûta la vie. M. de Borel, l’abbé de Siran, M. Jourdan-Combettes, M. Rivière et d’autres de leurs complices se dirigèrent sur Lyon, d’où ils parvinrent à passer la frontière pour se rendre à Chambéry.

Mgr de Castellane fut moins heureux. Son grand âge et ses infirmités ne lui permettaient pas de voyager rapidement. Après avoir tenté en vain d’entrer en Suisse d’abord, en Allemagne ensuite, il fut arrêté en Champagne, transféré à Orléans et massacré en septembre à Versailles, avec les malheureux que Fournier l’Américain avait été chargé d’y conduire. M. de Retz trouva aussi la mort sur les marches de l’Orangerie. Il avait été arrêté au Puy au moment où, comme ses amis, il cherchait à émigrer. Quant à l’abbé de Bruges, il expia l’année suivante sur l’échafaud le dévoûment dont il avait fait preuve et le refus de prêter serment à la constitution civile du clergé. À cette époque, la ville de Mende était rentrée depuis longtemps dans l’obéissance. La terreur y régnait avec le conventionnel Solon Reynaud.

Telle fut cette échauffourée de Mende, mal connue et oubliée comme la plupart des événemens que nous racontons, follement