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Claude Allier et ses amis étaient mieux préparés qu’eux-mêmes. La jalousie que leur inspiraient leurs complices, l’ambition de manifester leur zèle avec plus d’éclat, devinrent le mobile de leur conduite et couronnèrent leurs efforts du plus funeste dénoûment. Ils avaient eu connaissance des plans de Claude Allier ; ils savaient que ce dernier voulait, à l’heure opportune, se porter d’un côté sur Nîmes, avec l’appui des gens d’Arles, de l’autre sur le Puy, avec le concours de ceux de Mende. Ce mouvement devait s’effectuer à un signal parti de Jalès; mais leur résolution était prise de ne pas l’attendre et d’agir isolément.

Pendant plusieurs mois, ils s’appliquèrent à préparer le coup de main à l’aide duquel ils espéraient soulever le Gévaudan et le Velay et obliger le Vivarais à marcher à leur suite. Les prêtres non assermentés, exécutant les ordres de Mgr de Castellane, évêque de Mende, retiré à Chanac, leur servaient d’émissaires. Ce sont eux qui dans chaque paroisse excitaient les populations contre le régime révolutionnaire, avec la complicité d’un grand nombre de déserteurs. Ceux-ci circulaient en toute liberté dans les communes du département, grâce à l’inertie de la gendarmerie, qui, loin de les poursuivre, favorisait leur résistance aux lois. Les catholiques fervens aggravaient cette résistance en se déclarant ouvertement contre les prêtres constitutionnels. Grâce à eux, le département était en pleine révolte, surtout dans l’arrondissement de Mende. Les décisions du pouvoir central, quelque précises et rigoureuses qu’elles fussent, restaient à l’état de lettre morte. Les royalistes eurent même l’art de plaider leur cause à Paris avec assez d’habileté pour trouver des appuis parmi ceux qui auraient dû les condamner. Au commencement de l’année, le conseil-général d’administration, que présidait le représentant du peuple Chateauneuf-Randon, ayant demandé des troupes pour que force restât à la loi, les royalistes, grâce à un adroit système de pétitionnement, parvinrent à empêcher, pendant plusieurs semaines, l’envoi de ces troupes. C’est seulement quand Chateauneuf-Randon eut fait connaître la vérité à Paris que Mende fut désignée pour recevoir une garnison composée de trois compagnie du 27e régiment de ligne, dit de Lyonnais.

La population et la garde nationale, dont les chefs pour la plupart appartenaient au parti royaliste, accueillirent avec dépit cette nouvelle. Si elle se confirmait, si les troupes légales se fixaient dans la ville, c’en était fait des espérances des partisans de la monarchie. Il importait donc de s’opposer à tout prix à l’établissement de cette garnison. La municipalité tout entière se trouva unie dans un parti-pris de résistance que favorisaient par leur attitude le procureur-général-syndic et le commandant de la gendarmerie.