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ils s’étaient réfugiés à Mende et à Villefort, où ils vivaient librement, grâce à la complicité des habitans, parmi lesquels leur présence entretenait une agitation qui ne pouvait être comparée qu’à ce qui s’était vu dans le Vivarais, à l’époque des rassemblemens du camp de Jalès.

A Mende surtout, chef-lieu du département, ils prenaient une active part aux émotions de la vie locale. Cette ville située au milieu des montagnes, ne possédant que de rares moyens de communication avec le dehors, n’avait subi qu’imparfaitement les effets de la révolution. Elle était restée aux mains des royaux. Ils dominaient dans la municipalité; ils disposaient d’une influence puissante. Leur action s’étendait jusque sur la gendarmerie, dont le chef, le lieutenant-colonel Jossinet, leur était passionnément dévoué. C’est ainsi qu’ils parvenaient à protéger les prêtres non assermentés et que ceux-ci bravaient les décrets de l’assemblée nationale, en continuant à exercer leur ministère dans un temps où entendre la messe d’un réfractaire constituait un crime souvent puni de mort.

Le pouvoir dans Mende appartenait à quelques notables, amis des princes et dévoués à leur cause, MM. de Borel, Rivière, Jourdan-Combettes, de Retz, Charrier, l’abbé de Siran, et l’abbé de Bruges, ceux-ci vicaires-généraux, dont le dernier avait fait partie des états-généraux. A l’exception de l’abbé de Bruges, qui résidait à Paris, ces personnages avaient pris part à la confédération du camp de Jalès. On les avait vus, à la tête de quelques gardes nationaux, figurer parmi les chefs de ces rassemblemens, et bien qu’après celui de 1791 ils eussent été considérés comme de fidèles alliés de la cause royale, ils avaient pu se soustraire aux décrets d’accusation et regagner Mende, où, depuis, ils vivaient exposés à mille périls, mais animés d’une indomptable énergie, sachant commander à leurs concitoyens et se faire obéir.

Il en était deux, le chevalier de Borel et l’abbé de Siran, qui entretenaient des relations directes avec Coblentz. Fiers de ce privilège, ils supportaient malaisément, le premier surtout, que quelqu’un se vantât dans leur entourage de posséder au même degré qu’eux la confiance des princes. Et de fait, ils avaient raison, puisque M. de Borel tenait des frères du roi la mission de remplir à Mende un rôle analogue à celui que remplissait au camp de Jalès Claude Allier et de diriger la conspiration qui devait éclater dans le Gévaudan en même temps que dans le Vivarais.

Malheureusement, la grande importance prise par le camp de Jalès troublait les royalistes de Mende. Ce fut leur faute de ne pas se résigner à n’être que les instrumens du complot qui s’apprêtait et de vouloir prendre l’initiative d’un soulèvement pour lequel