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instructions, la juste impatience des fidèles catholiques indignés des horreurs qu’ils ont éprouvées, en leur faisant sentir qu’une tentative prématurée aurait les suites les plus funestes. Ceci est très recommandé par les princes, qui prennent le plus vif intérêt aux bons Français qui forment la coalition de Jalès. »

Toutes les résolutions contenues dans les ordres qui précèdent avaient été prises rapidement. Elles devaient être exécutées de même. Le comte de Saillans quitta Coblentz le 8 mars, accompagné de Dominique Allier et de deux officiers désignés pour faire la route avec lui. M. de Connway était moins pressé d’entrer en France. Il avait résolu de s’installer à Chambéry, d’y rester comme à un poste d’observation, jusqu’au moment où, après avoir reçu les rapports de son lieutenant, il jugerait opportun d’engager le combat.

Avant de s’éloigner de Coblentz, Dominique Allier avait adressé à son frère sous le couvert « de M. Dussaut, négociant à Chambonas, » la lettre suivante, qui donne la mesure des espérances des royalistes à ce moment.

« Mon cher et cher ami, enfin j’ai terminé mes affaires, et assurément vous et votre société serez parfaitement satisfaits d’apprendre que j’ai gagné notre procès et que je reviens dans nos contrées accompagné d’un principal commis qui est chargé par sa maison d’étendre nos différentes branches de commerce autant que les circonstances le lui permettront. Un des chefs de sa maison voyagera dans peu de temps de notre côté pour se mettre à la tête des fabriques et manufactures des provinces qui nous intéressent le plus. C’est une personne aussi recommandable par ses talens que par son activité et son zèle pour obliger généralement tout le monde. Je suis tout à vous. Votre affectionné ami : Jean-Paul. »

Ainsi s’engageait l’expédition qui n’allait, à quatre mois de là, soulever le Midi que pour finir misérablement, sans avoir imprimé le moindre progrès à la cause royale et ensanglanter sans profit cette terre du Vivarais où elle avait pris naissance. À ce moment même, et pendant que Dominique Allier exprimait à son frère, en un langage mystérieux, sa ferme confiance dans de prochains succès, aux deux extrémités du commandement du général de Connway, à Arles et à Mende, le royalisme recevait un coup redoutable dont il ne devait pas guérir.


II.

Au commencement de l’année 1792, le département de la Lozère comme celui de l’Ardèche, était devenu l’asile d’un grand nombre de prêtres réfractaires. Assurés d’y trouver secours et protection,