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roi et des princes ses frères. Il ajoutait que les royalistes ne trouveraient devant eux que des troupes faciles à vaincre, quelques milliers de soldats d’infanterie, affaiblis par la désertion et l’indiscipline, ou de gardes nationaux sans valeur, mal dirigés par des administrations désorganisées.

Les princes furent très émus par les récits qui viennent d’être résumés. Ils connaissaient le zèle et l’intelligence de Claude Allier. Ce qu’il y avait d’aventureux et d’obscur dans ses plans ne les frappa guère. Les renseignemens qu’il leur donnait étaient d’ailleurs confirmés d’autre part. Ils le félicitèrent comme l’organisateur de la réaction puissante qui s’annonçait en leur faveur. Ils l’engagèrent à retourner dans le Vivarais, à réunir les principaux chefs du camp de Jalès et à leur faire prendre une résolution délibérée en commun sur le vu de laquelle eux-mêmes enverraient des chefs militaires et des secours d’argent. Malgré les rigueurs de l’hiver, malgré les dangers qui l’ attendaient dans une contrée où sa tête était mise à prix, il n’hésita pas à obéir et repartit pour le Vivarais. Six semaines plus tard, il faisait parvenir aux princes la délibération qu’ils avaient exigée. Cette adresse était. revêtue de cinquante-sept signatures. Elle fut apportée à Coblentz par l’un de ceux qui l’avaient signée, Dominique Allier, frère cadet du prieur de Chambonas.

Jeune, robuste, d’une rare énergie, paysan par ses habitudes, aristocrate par ses convictions, Dominique Allier, après avoir fait longtemps la contrebande du tabac et des dentelles, s’était jeté, en 1790, avec son frère dans le mouvement royaliste. Il l’avait aidé à l’organisation de la légion du Midi. Avec lui, il avait parcouru le bas Languedoc, la Provence et le Gévaudan, recrutant des adhérens à la cause royale, éloquent et habile, inspirant confiance, donnant à tous la conviction qu’au moment voulu il serait au premier rang pour triompher ou mourir avec eux.

Chargé de porter à Coblentz la délibération du comité de Jalès, et soit que les moyens de transport lui fissent défaut, soit qu’il fût préoccupé de conjurer les périls d’un tel voyage, il avait fait à pied cette longue route, conduisant à travers le Dauphiné jusqu’à Chambéry, où il s’en était défait, un troupeau de moutons, et de là continuant son chemin par la Suisse allemande et le grand-duché de Bade. Les pièces qu’il remit aux princes, les propositions verbales à l’aide desquelles il les compléta furent agréées et approuvées. Pour aider leur cause dans le Midi, ceux-ci comptaient alors sur le secours de la Sardaigne, qui leur avait fait des promesses, et sur l’appui de l’Espagne, qui semblait prête à favoriser une tentative de soulèvement en Languedoc et à opérer un débarquement à Aigues-Mortes. Les chevaliers de Malte devaient concourir avec