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avait une apparence de force qui suffisait à tromper également les amis et les ennemis de la révolution. Elle attirait tous les hommes qui travaillaient en France au triomphe de la cause royale. C’est de Coblentz qu’ils attendaient des secours, c’est à Coblentz qu’ils venaient chercher des ordres.

Dans les premiers jours de janvier de cette année, un matin, parmi les nouveaux arrivans qui se présentaient à l’audience des princes, se trouva un personnage devant qui toutes les portes s’ouvrirent dès qu’il se fut fait connaître. Il se nommait Claude Allier, C’était un prêtre, à peine âgé de quarante-trois ans, curé-prieur à Chambonas dans l’Ardèche, ancien délégué aux élections pour les états-généraux de 1789, comme représentant du diocèse d’Uzès. Ce n’est pas seulement à ce titre qu’il était connu des princes ; ils le savaient en outre passionnément dévoué à leurs intérêts, en faveur desquels il avait provoqué en 1790 et en 1791 les deux rassemblemens de Jalès. A la suite du second, décrété d’accusation par l’assemblée nationale, il avait pu se soustraire aux poursuites dont il était l’objet, demeurer caché dans le Vivarais, y continuer l’organisation de la légion formidable dont l’idée lui était commune avec divers personnages de la contrée, parmi lesquels il faut citer son frère Dominique Allier, M. de Malbosc, mort précédemment, massacré au Pont Saint-Esprit, l’abbé de la Bastide de la Molette, chanoine d’Uzès, le chevalier de la Bastide, M. de Chabannes, le chevalier de Gratz, décrétés aussi d’accusation et réfugiés en ce moment à Chambéry, Rivière, procureur syndic de la Lozère, Jourdan-Combettes, de Borel, de Retz, l’abbé de Siran, Charrier, notables de ce département, dont la complicité dans la direction des mouvemens royalistes du Midi n’était pas encore connue.

L’accueil fait par les princes au curé de Chambonas fut digne des services qu’il leur avait déjà rendus. Le but de son voyage était de leur exposer la situation des provinces méridionales de la France, le résultat des efforts qu’il avait tentés pour secourir promptement le roi, et aussi de leur demander un chef qui vînt, en leur nom, se mettre à la tête des défenseurs de la monarchie. Sur leur demande, il développa ses plans. Il y travaillait depuis trois années. Il les avait médités et mûris dans le silence des veillées d’hiver. Il prétendait avoir recruté à Nîmes, à Montpellier, à Arles, à Mende, au Puy, dans le Comtat et dans le Vivarais soixante mille hommes affiliés à la confédération de Jalès, prêts à se lever à l’appel des chefs royalistes. Il croyait possible d’opérer, dans le Gévaudan et dans le Vivarais, à l’abri des monts qui donnent à ces pays l’aspect d’une inexpugnable forteresse, un rassemblement considérable, d’y créer des dépôts d’armes, des magasins de vivres et de