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chambre civile, la cour d’assises et la cour d’appel de police correctionnelle, ayant terminé ou suspendu leur audience à onze heures, tous les magistrats présens à Paris, au nombre de cinquante-quatre, se réunirent dans la salle d’audience de la première chambre, sous la présidence de M. Séguier. Le procureur-général, M. Jacquinot-Pampelune, assistait à cette réunion. L’audience de la première chambre civile n’eut pas lieu. Circonstance singulière, le fils de l’ancien ami de Montlosier à l’assemblée constituante, M. de Cazalès, nommé juge au tribunal de Provins, devait prêter serment. Cette formalité fut ajournée au lendemain. Une multitude de curieux attendait avec impatience la sortie des membres de la cour et cherchait, en épiant soit les physionomies, soit les paroles échappées aux magistrats, k deviner le résultat des délibérations. L’arrêt avait été rendu aux deux tiers des voix. On en connaît les termes, bien souvent reproduits. La cour visait l’arrêt du parlement de Paris du 9 juin 1760, les arrêts conformes des autres parlemens du royaume, l’édit de Louis XV de novembre 1764, l’édit de Louis XVI de mai 1777, la loi du 18 août 1792 et le décret du 3 messidor. Elle déclarait son incompétence ; mais dans le considérant, on sait qu’elle déclarait aussi que l’état de la législation s’opposait formellement au rétablissement de la société de Jésus ; « que les édits et arrêts étaient fondés sur l’incompatibilité reconnue entre les principes professés par la compagnie et l’indépendance de tout gouvernement, principe bien plus incompatible encore avec la charte constitutionnelle. » Quant aux autres faits dénoncés, quelle que pût être leur gravité, la cour disait qu’ils ne constituaient ni crimes, ni délits, ni contraventions dont la poursuite lui appartînt.

L’opinion publique se déclara satisfaite. Le gouvernement était mis en demeure par la magistrature. Montlosier crut devoir écrire, en septembre, au ministre de l’intérieur, chargé de la haute police. Il disait dans cette lettre que les faits s’aggravaient chaque jour, que de toutes parts il lui arrivait les informations les plus précises. « Des évêques, et parmi eux plusieurs très respectables, proclament aujourd’hui avec éclat le rétablissement d’un ordre que, jusqu’à présent, ils avaient cru devoir couvrir d’un voile mystérieux. A cet égard, les précautions ont été portées au point qu’en ce moment même où des jésuites sont au collège de Billom, dont ils ont pris possession comme jésuites, M. le ministre de l’instruction publique n’a encore reçu aucune information de leur présence. »

Cette lettre resta sans réponse.

Montlosier eut alors recours au droit de pétition. C’est à la chambre des pairs qu’il s’adressa le 26 décembre 1826. L’opposition y était en majorité. La session venait de s’ouvrir sous de fâcheux auspices. L’agitation des esprits ne faisait qu’augmenter;