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de ce jour. — A dater de la même époque, vous cesserez également de recevoir le traitement de 6,000 francs qui vous était payé sur l’article des dépenses accidentelles da ministère et qui, depuis le 1er janvier dernier, avait été imputé sur le fonds dévolu aux traitemens du service intérieur. »

Cette lettre, que Montlosier rendit publique, produisit la plus profonde impression. Son nom, déjà porté aux nues par le parti libéral, fut presque un cri de ralliement; chacun arrangea le personnage à sa guise, peu le comprirent. Les passions politiques, quand elles s’emparent d’un homme, le transforment au gré de leurs rêves et de leurs colères. Quoiqu’on fût près du XVIIIe siècle, on ne savait plus combien avaient été nombreux ces chrétiens de l’ancienne France, appartenant à la haute bourgeoisie ou à la noblesse de robe, qui, même sans être jansénistes par les croyances, l’étaient par la rigidité et l’originalité de leur caractère et par la violence de leur haine contre ce qu’ils appelaient l’esprit romain.

Un grand nombre de brochures, la plupart anonymes, furent lancées contre Montlosier. Un membre de la chambre des députés, le vicomte de Saint-Chamans, un publiciste, M. Saintes, la comtesse de Bradi, publièrent des réfutations du Mémoire. Une seule mérite de n’être pas oubliée, celle que fit paraître M. de Bonald. Il était déjà l’auteur d’une apologie de la société de Jésus. Les réflexions que lui inspira le Mémoire à consulter exigeaient une réponse de Montlosier. Elle ne se fit pas attendre.

« Il y a, disait-il, une grande partie des opinions politiques et religieuses de M. de Bonald que je ne puis combattre, car je les partage. Dès le premier moment de ma rentrée en France, j’ai eu le bonheur de me trouver d’accord avec lui sur les grandes questions du divorce, du mariage, de la famille, sur l’institution de la noblesse, sur l’excellence et la prééminence de la religion catholique, ainsi que du gouvernement monarchique. Sous ce rapport, je désire depuis longtemps une occasion de me lier avec lui. Quand je me suis aperçu qu’il était dans la coterie des prêtres, qu’il partageait et favorisait leur système d’envahissement, quand je me suis aperçu qu’il était Romain presque autant que Français; que presque toute sa monarchie était dans le pape, presque tout son Évangile dans le rituel; quand je me suis aperçu qu’il couvait avec beaucoup d’autres l’œuf que depuis on a vu éclore, j’ai continué sans doute à voir en lui un ami de la religion et de la monarchie, mais, puisqu’il faut le dire, l’ami le plus hostile, le plus dangereux et le plus funeste. » Ces quelques lignes, si nous les rapprochons des extraits que nous avons donnés, placent sous leur vrai jour les convictions à la fois nobiliaires, royalistes et religieuses de Montlosier.

Le ministère, bien qu’irrité, crut devoir prendre une attitude