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s’affaiblit progressivement, et tout rentre dans l’ordre ; On constate alors qu’une cavité existait, qu’elle était pleine de gaz à une pression qui dépasse toute évaluation, et qu’elle s’est vidée aussitôt qu’une issue lui a été ouverte. La belle description de l’antre d’Eole qu’on se rappelle avoir admirée au premier livre de l’Enéide revient naturellement à l’esprit :

……. Hic vasto rex Æolus antro
Luctantes ventos tempostatesque sonoras
Imperio premit, ac vinclis et carcrre frenat.


Il n’y a que les chaînes de trop, la prison suffisait : puis, quand elle s’ouvre :

Hæc ubi dicta, cavun conversa cuspide montem
Impulit in latus : ac venti, velut agmine facto,
Qua data porta ruant, et terras turbine perflant.


Revenons à la réalité scientifique. Il faut noter avec soin une circonstance bien extraordinaire qui accompagne et caractérise tous les faits du même genre, et qui va nous éclairer sur leur cause. Au moment où il s’échappe avec une si grande violence, le grisou entraîne avec lui une énorme masse de charbon divisé, pulvérisé et comme tamisé qui envahit les galeries et les obstrue, qu’on a mesurée et qui dépasse plusieurs milliers d’hectolitres. Il est donc évident que des vides existent dans la houille, qu’ils se rencontrent surtout dans les mines profondes, aux endroits où les veines sont contournées par des particularités géologiques, et qu’ils servent de réservoirs à des quantités de grisou qui atteignent jusqu’à 500,000 mètres cubes, comprimées jusqu’à des pressions inconnues mais énormes, et qui s’échappent violemment quand une issue leur est ouverte, comme la vapeur s’échappe d’une chaudière crevée. Tant qu’il était confiné dans son repaire, le grisou faisait effort pour en sortir ; il s’insinuait entre les lamelles de houille et y pénétrait jusqu’à une grande distance des parois de la cavité ; mais aussitôt que celle-ci commence à se vider et qu’il n’a plus de contrepoids pour le retenir, il brise ses enveloppes, sépare et pulvérise le charbon, qu’il entraîne avec lui jusque dans les galeries, qu’il obstrue. On peut même se demander si la poche était vide originairement et si elle n’était pas un magasin d’un charbon spécial, poreux, qui aurait absorbé et retenu l’immense provision de gaz, qui aurait été entraîné par elle et qui aurait laissé une caverne vide dans l’endroit qu’il occupait primitivement. Comme exemple de ces phénomènes, je transcris le récit d’un accident arrivé