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et qui est raconté par M. Mathet, ingénieur en chef dés mines de Blanzy.

Après une formidable explosion, l’ingénieur en chef, M. Mathet lui-même, descendit dans la mine, et, s’approchant du lieu où s’était produit le sinistre, il reconnut la présence du grisou en proportion inquiétante ; il se disposait à faire retraite quand un deuxième coup de feu s’alluma, qui l’enleva, le roula jusqu’au puits dans un flot de poussière noire et épaisse. Il sentit une forte chaleur au-dessus de sa tête et plusieurs de ceux qui l’accompagnaient furent légèrement brûlés aux oreilles et aux cheveux. Ce n’est qu’après un délai de quinze jours qu’on put pénétrer dans la mine ; on y trouva trente cadavres. Leur mort avait été si instantanée qu’ils gardaient encore les attitudes et les expressions qui les animaient au moment même, ce qui permit de reconstituer les circonstances et la cause du sinistre. Deux ouvriers s’étant pris de querelle, leurs corps enlacés l’un dans l’autre avaient encore la position de deux lutteurs ; leurs camarades regardaient. Un chef de poste voulut s’interposer dans la bagarre, sa lampe fut lancée au loin, s’ouvrit et le mélange prit feu. Il est probable que la flamme entra jusque dans les poumons des victimes, ce qui causa leur mort instantanée.

Contre ces accidens de hasard on ne peut rien, et la lampe n’en est pas coupable. Il en est de même de ceux qui viennent de l’imprudence des ouvriers. Une longue impunité les rend indifférens au danger. Pour y voir plus clair, ils ouvrent la lampe ; ils l’ont fait cent fois sans accident ; mais, un beau jour, l’explosion survient et les tue. Rien ne peut éviter ces malheurs, si ce n’est la surveillance réciproque et la punition sévère des imprudens. Ces moyens étant restés inefficaces, les lampes sont aujourd’hui livrées aux mineurs tout allumées et fermées ; chacun a la sienne, en est responsable, et il ne peut l’ouvrir. On a imaginé sur ce point des fermetures très variées, à secret, électriques ou magnétiques, par soudure, etc. Mais il arrive bien souvent que l’ouvrier trouve encore le moyen de tourner ces empêchemens.

Toutefois il y a des accidens qui tiennent réellement à l’insuffisance des propriétés préservatrices de la lampe. En général, le tissu métallique, tout en refroidissant l’auréole intérieure, ne s’échauffe pas beaucoup. Cependant, dans un milieu très tranquille et très chargé, il peut arriver à rougir, à se couvrir de coke imparfaitement brûlé et à communiquer le feu à l’extérieur : en voici un exemple.

Le 29 janvier 1857, dans la mine de Ronchamp, l’aérage n’était pas excellent, le grisou se, montrait fréquemment aux avancemens les galeries ; sa présence exigeait les plus grandes précautions de