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qu’on pourrait, dans une galerie de mines, renverser l’expérience de la grotte du chien. L’homme peut être asphyxié étant debout ; alors il perd tout sentiment, tombe sur le sol et, comme il y retrouve un air pur, il ne tarde point à revenir à la vie. Dans l’acide carbonique, il serait à tout jamais perdu. Du reste, ces asphyxies, qui sont fréquentes, ne laissent aucune trace morbide quand elles sont momentanées, ce qui prouve la parfaite innocuité du gaz, en même temps que son incapacité à entretenir la respiration. Ce n’est pas seulement eu égard à la respiration qu’il se rapproche de l’azote ; il a comme celui-ci la plus grande indifférence à toute combinaison ; il n’est point soluble dans l’eau, n’est point absorbé par la chaux, et il n’y a guère de moyens de le détruire par absorption chimique ; ce n’est qu’en présence de l’oxygène et d’une flamme qu’il révèle tout à coup les redoutables effets dont nous parlerons bientôt.

Il sort de la houille en soulevant les lamelles brillantes qui la composent, et l’on entend dans les galeries d’abatage un léger grésillement qui ressemble à une chute de pluie : c’est le chant du grisou. Ce dégagement, très abondant au moment même où les blocs sont arrachés de la masse, se continue en « ’affaiblissant peu à peu. M. de Marsilly, directeur de la mine d’Anzin, a mesuré sous cloches le volume de gaz que laissent échapper diverses variétés de houille aussitôt après leur extraction ; elles se comportent différemment suivant qu’elles sont grasses ou maigres ; pour les unes, on voit le dégagement cesser au bout de douze heures ; les autres le continuent pour ainsi dire indéfiniment, jusque dans les magasina et dans les soutes, des navires, ce qui fait que le combustible perd peu à peu une partie de sa richesse. On augmente cette faculté de dégager le gaz par le vide ; c’est ainsi qu’on a foré dans les massifs houillers des trous cylindriques qu’on a garnis de pistons de manière à en faire une sorte de machine pneumatique au moyen de laquelle il a été possible d’aspirer, d’extraire et d’analyser le grisou. Sa chaleur jusqu’à 300 degrés produit le même effet que le vide ; elle augmente et active la sortie du gaz.

Or ces expériences ont montré qu’un bloc de houille peut dégager jusqu’à trois fois son volume de grisou ; ce fait, extrêmement curieux, n’est nié par personne, mais on ne s’accorde pas sur l’explication qu’il en faut donner. Il y a sur ce point deux opinions que je vais exposer. Beaucoup d’ingénieurs et presque tous les physiciens admettent que le grisou existe tout formé dans la houille et qu’il y est comprimé. Le gaz recueilli dans les expériences de M. de Marsilly aurait une pression de trois atmosphères si on le ramenait au volume du bloc de houille d’où il est sorti, mais, comme il n’occupait que les vides de ce bloc, il devait s’y trouver à une