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le duc Charles, en 1484, ce qui donna aux différens propriétaires le droit de porter le titre de baron de Coppet, titre que M. Necker prit, à plusieurs reprises, dans des actes publics et en particulier dans le contrat de mariage de sa fille. Durant le cours du XVIe siècle, le pays du Vaud fut livré à toutes les vicissitudes de la guerre religieuse et de la lutte entre la maison de Savoie et Leurs Excellences de Berne ; aussi la baronnie de Coppet changea-t-elle plusieurs fois de mains, et le château fut brûlé en entier (à l’exception de quelques soubassemens qui existent encore) par l’armée bernoise, qu’on appelait l’armée des gentilshommes de la Cuiller. Enfin, au commencement du XVIIe siècle, la baronnie fut achetée par François de Bonne, duc de Lesdiguières, lieutenant-général pour le roi en Dauphiné ; mais il s’en dégoûta bientôt et, après maintes ventes et reventes successives, la terre et le château, reconstruit tel qu’il est aujourd’hui, arrivèrent aux mains de l’antique famille des comtes de Dohna, les seuls des nombreux propriétaires de Coppet qui aient laissé quelque souvenir de leur passage.

Les comtes de Dohna étaient une illustre maison allemande qui tirait son nom du château de Dohna, près de Dresde, et dont une branche subsiste encore en Prusse. Ils portaient tous le titre de burgrave et comte du saint-empire. Le comte Frédéric de Dohna, l’acquéreur de Coppet, était gouverneur de la principauté d’Orange, enclavée dans le comtat Venaissin, qui appartenait au prince de Nassau. Pendant plus d’un demi-siècle, les comtes de Dohna tinrent dans le pays la situation d’une famille princière, et ils traitaient sur ce pied avec la république de Genève. Dans la cathédrale de Saint-Pierre, ils avaient leur tribune spéciale, tout comme de petits souverains. La comtesse de Dohna étant accouchée d’une fille, au mois de mai 1668, le comte demanda « que la seigneurie voulût bien présenter sa fille au baptême, » et cette demande ayant été agréée, par reconnaissance sans doute pour le service que le comte de Dohna avait rendu à la république en acceptant le commandement d’une petite armée réunie contre le duc de Savoie, le Magnifique Petit Conseil décida « que M. le premier syndic, accompagné de quelques membres du Conseil, iraient à Coppet sur la petite frégate de la seigneurie, pour là faire les devoirs de parrain selon la coutume, et que l’on ferait faire une médaille en or de la valeur de 25 pistoles, laquelle M. le premier syndic présenterait à Mme la comtesse de la part de la seigneurie, et, en outre, que l’on y porterait des confitures et dragées en bonne quantité qu’ils y présenteraient aussi. » Les conseillers envoyés par la seigneurie furent, disent les procès verbaux du conseil, « très bien accueillis et régalés par M. le comte et par Mme la comtesse, qui leur témoignèrent beaucoup de reconnaissance avec les assurances de leur affection, » et