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pouvoir trouver dans l’excédent des recettes sur les dépenses le montant de la dotation annuelle de l’amortissement. Il est vrai que la chambre rétablissait l’équilibre par un procédé non moins expéditif, en réduisant outre mesure la dotation de certains services civils, notamment du personnel diplomatique et consulaire, en prétendant ramener l’effectif de l’armée à dix-huit mille hommes, lorsque le gouvernement demandait de le porter à vingt-cinq mille. Heureusement, le sénat intervint pour restreindre les prodigalités des représentans et pour rétablir les crédits qu’ils avaient supprimés. Une lutte très vive s’engagea entre les deux chambres, mais à la suite de nombreuses conférences, et la lassitude aidant, les représentans finirent par céder sur presque tous les points. L’effectif de l’armée fut fixé, par transaction, à vingt-deux mille cinq cents hommes, et la session prit fin le 20 juin 1878.

Le parti démocratique ne s’était préoccupé, pendant toute la session, que de s’assurer l’avantage dans les élections de l’automne ; ces élections devaient, en effet, pourvoir au renouvellement de la chambre des représentans dont les pouvoirs expiraient le 4 mars 1879, et à l’élection des législatures qui devraient remplacer un tiers des sénateurs. L’événement prouva combien il s’était trompé dans ses calculs ; les intérêts qu’il avait alarmés se tournèrent contre lui, et les résultats des élections furent loin de lui être aussi favorables qu’en 1876. La majorité lui demeura acquise dans la chambre, mais une majorité trop faible pour permettre une action décisive, et au lieu d’acquérir la majorité dans le sénat, il arriva seulement à balancer dans cette assemblée les forces du parti républicain. Les faits commençaient d’ailleurs à mettre en lumière les erreurs de sa politique financière. Les dollars d’argent que le ministre des finances était contraint de faire frapper ne parvenaient pas à pénétrer dans la circulation, le public et le commerce continuaient à leur préférer l’or ou les billets. A peine sortis des caisses fédérales, ils y rentraient parce que les importateurs les recherchaient pour les donner en paiement des droits de douane et profiter ainsi de l’écart entre la valeur de l’argent et la valeur de l’or ; mais le renouvellement de cette opération avait pour effet de diminuer l’écart entre les deux métaux. Une autre cause, plus heureuse et plus efficace, contribua à faire baisser la prime sur l’or. Les États-Unis eurent en 1878, en coton, une récolte exceptionnelle pour la quantité et la qualité et une récolte en céréales abondante. La plupart des pays d’Europe eurent au contraire une récolte des plus médiocres. Dès les derniers jours de l’été, l’Europe commença à expédier aux États-Unis des sommes considérables pour payer les cotons et les blés dont elle avait besoin, et ces envois