Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à une alliance étroite avec lui ; et, par un contre-coup inévitable, le monde des affaires fut conduit à envelopper dans la même réprobation les démocrates et les théoriciens insensés dont ceux-ci acceptaient le concours politique.

L’accueil favorable que la majorité de la chambre des représentans s’empressait de faire aux propositions les plus déraisonnables des inflationistes ne pouvait manquer d’exercer une fâcheuse influence au dehors. Le syndicat qui avait traité avec le ministre des finances pour la plus grande partie du nouvel emprunt en 4 pour 100 exigea la résiliation de son contrat. M. Sherman fut contraint de demander au congrès l’autorisation de recourir à une souscription directe et de subdiviser le nouveau fonds en petites coupures afin de les mettre à la portée de toutes les bourses et de faire concurrence aux caisses d’épargne. Les détenteurs de fonds américains en Europe appréhendèrent de voir payer les arrérages en argent d’abord et bientôt après en papier et d’avoir à subir un agio considérable ; nombre de porteurs anglais se hâtèrent de se défaire des rentes américaines qu’ils avaient acquises à bas prix, et dans l’espace de quelques mois, il en revint aux États-Unis pour près d’un demi-milliard. Ce fut une nouvelle cause de resserrement des affaires.

Les démocrates attachaient une grande importance à conserver les sympathies de l’état de New-York, dont ils avaient eu les voix dans l’élection de 1876, et comme le commerce de New-York, qui subsiste surtout de son rôle d’intermédiaire, a toujours incliné vers le libre échange, ils crurent se concilier sa faveur en appuyant de toutes leurs forces la proposition faite par M. Fernando Wood, ancien maire de New-York, d’une révision générale du tarif des douanes. M. Wood faisait valoir que les charges imposées par la guerre au pays étaient complètement acquittées, que le service de la dette publique était largement assuré, et que l’amortissement même suivait son cours régulier : il estimait que, dans ces conditions, et pour faciliter le développement des transactions commerciales, on pouvait renoncer à une partie du revenu produit par les douanes : il avait donc élaboré un nouveau tarif, qui dégrevait un grand nombre d’articles. Ce projet menaçait directement les intérêts des états de l’Est et du Centre, qui sont adonnés à l’industrie, et qui regardent le maintien du système protecteur comme indispensable à leur prospérité. Leurs représentans combattirent donc avec acharnement le nouveau tarif et, après une lutte longue et ardente, ils réussirent à le faire échouer. Cette tentative n’eut donc d’autre résultat que d’enlever aux démocrates les sympathies des industriels.