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entendu dans les matières de finances, et cette réputation, qu’il devait justifier, avait déterminé sa nomination.

L’opinion publique applaudit sans réserve à l’esprit qui avait inspiré les choix de M. Hayes : ils n’en excitèrent pas moins un assez vif mécontentement parmi les chefs du parti républicain. Ceux-ci faisaient remarquer avec amertume que quatre des états qui avaient voté pour M. Tilden, New-York, l’Indiana, le Missouri et le Tennessee, avaient fourni des membres au cabinet, où les états qui avaient donné la majorité au parti républicain ne comptaient que trois représentans. Était-ce ainsi que M. Hayes récompensait les efforts et les sacrifices faits pour assurer le succès de sa candidature ? N’était-ce pas assez d’abandonner les administrations républicaines du Sud et de livrer ainsi un certain nombre d’états aux anciens rebelles, fallait-il encore faire à ceux-ci une place dans le gouvernement ? La chambre des représentans avait dû se séparer par suite de l’expiration de ses pouvoirs ; mais le sénat était demeuré réuni en session administrative, parce que son approbation était nécessaire pour rendre définitifs les choix que le président avait faits. On appréhenda pendant quelques jours que le sénat ne refusât de confirmer la nomination de quelques-uns des nouveaux ministres ; mais une scission s’opéra au sein de la majorité républicaine ; un certain nombre de sénateurs du Nord annoncèrent l’intention de se coaliser avec les démocrates, et la crainte d’un échec fit reculer les mécontens. Tous les ministres furent confirmés dans leurs fonctions.

M. Hayes tint fidèlement tous les engagemens qui avaient été pris en son nom. Il voulut voir et fit venir à Washington la plupart des hommes importans du Sud, et entre autres les gouverneurs Wade Hampton et Nicholls, pour les interroger sur la situation des états auxquels ils appartenaient. Aucun d’eux n’hésita à se porter garant du maintien de l’ordre après le départ des troupes fédérales ; et sur la foi de ces promesses, le président retira les troupes cantonnées dans le Sud, en ne laissant que les forces nécessaires pour garder le cours du Rio-Grande et mettre le Texas à l’abri des incursions des maraudeurs mexicains. Le départ des troupes fédérales, en enlevant aux meneurs du parti républicain dans le Sud le prestige qui faisait leur unique force, eut pour conséquence la dispersion ou l’abdication des législatures et des administrations qui avaient usurpé la direction des affaires locales. L’agitation entretenue par des luttes aussi irritantes que stériles disparut aussitôt : l’apaisement se fit dans les esprits, et le Sud ne tarda pas à jouir d’un calme profond. Cette tranquillité ne fut même pas troublée par les événemens graves dont les autres parties de la confédération furent le théâtre pendant les mois de juillet et