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relayaient, la bataille n’a fini que par lassitude, par épuisement. S’il en est ainsi pour la simple mise à l’ordre du jour, que sera-ce lorsque le bill lui-même sera discuté, lorsque les autres parties du système du gouvernement se succéderont ? Il faut vraiment toute la longanimité britannique, tout le respect dont la liberté parlementaire est entourée à Londres pour que ces abus ne causent pas quelque impatience. C’est la grandeur de l’Angleterre de pouvoir supporter les orages, même les puérilités irritantes de la liberté, sans se sentir atteinte dans sa puissance et dans sa prospérité.


CH. DE MAZADE.



Théorie scientifique des couleurs, et leurs applications à l’art et à l’industrie, par O.-N. Rood, professeur de physique au Columbia-College de New-York, Paris 1881 ; Germer-Baillière.


Les couleurs sont la joie des yeux, et l’attrait qu’elles exercent sur notre esprit est certainement pour quelque chose dans la multiplicité des travaux qui ont pour objet la théorie mathématique de la lumière. « Le spectre solaire, dit M. Rood, a été, bien des années avant les découvertes de Kirchhoff et de Bunsen, un sujet favori d’études pour les physiciens ; cette affection a dû attendre près d’un demi-siècle avant d’obtenir sa récompense ; mais s’il n’avait eu le charme de ses couleurs, s’il avait été moins examiné, le spectre serait peut-être resté pour nous une énigme pendant un siècle de plus. » C’est ainsi que le plaisir des sens a été un auxiliaire fort utile de la science, et la science, qui paie toujours généreusement l’aide qu’on lui prête, a mis au jour le secret mécanisme des phénomènes et a posé les principes de toutes les applications des couleurs.

En parcourant les traités les plus récens, comme celui de M. O.-N. Rood, dont l’édition française vient de paraître, ou celui de M. Bezold, on est frappé de la clarté que de bonnes définitions ont introduite dans la théorie des couleurs et surtout dans leur classification. Les physiciens admettent aujourd’hui que toute sensation colorée dépend de trois facteurs qui la déterminent complètement et qui sont : 1o une couleur franche, définie par sa longueur d’onde ; c’est ce que M. Rood appelle la teinte, M. Chevreul la nuance, M. Helmholtz le ton ; 2o l’intensité lumineuse ou luminosité, que l’on peut aussi définir par la quantité de noir ajoutée à l’intensité normale ; 3o le degré de pureté ou de saturation, qui dépend de la quantité de blanc mêlée à la couleur franche. Voilà donc les trois constantes, les trois propriétés caractéristiques qui permettent de porter l’ordre et la règle dans l’ondoyant chaos des teintes que produisent l’art et la nature et qui parfois semblent si vagues, si indécises et si fortement influencées par l’éclairage ou par