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serait superflue. » Comme on voit, rien du Touat, qui géographiquement appartient à l’Algérie, sous les longitudes de laquelle il est placé. Le Maroc y exerce, il est vrai, une sorte d’autorité religieuse, mais nous n’y avons jamais reconnu son autorité politique, qui y est plus illusoire encore que parmi les tribus de l’Oued-Guir. Quelques faits vont le démontrer. En 1857, des délégués du Touat vinrent à Alger offrir la soumission de leur pays ; ils demandaient un traité pareil à celui que nous avions conclu avec le M’zab et qui, moyennant le paiement d’un tribut, accordait à ce pays le droit de se gouverner à sa guise. Leur offre ne fut pas acceptée, par pure insouciance, croyons-nous. En 1860, le commandant Colonieu se présenta devant Timimoun muni de lettres de l’empereur du Maroc l’autorisant à visiter le pays ; on lui répondit : « Nous nous moquons de l’empereur du Maroc comme de toi, chien de chrétien ! » Cependant, effrayés de l’apparition d’un Français et craignant les attaques d’une puissance qui leur avait refusé un traité, ils réunirent 25,000 douros et vingt jolies esclaves noires et les envoyèrent au sultan du Maroc en lui demandant sa protection contre les Européens ; le sultan la promit. Quatre ans après, Rohlfs constate plaisamment dans le Tidikelt que l’empereur du Maroc « n’est pas oublié dans les prières du vendredi à la mosquée ; mais à cela se bornent ses droits. » En 1873, en apprenant qu’une colonne française était à El-Goleah, les Touatiens, qui craignent avant tout une guerre susceptible de détruire leurs patiens travaux d’irrigation, délibérèrent d’envoyer leur soumission. On dit même que des envoyés se mirent en route et ne revinrent qu’en apprenant que notre colonne était rentrée dans l’intérieur de l’Algérie. En réalité, le Touat est donc indépendant. M. Soleillet a exprimé devant la commission supérieure l’avis qu’au moyen d’une rente annuelle d’une vingtaine de mille francs, nous pourrions nous assurer du cheikh des Ouled-Bou-Hamou, l’homme le plus influent du Touat. Les Anglais ont beaucoup usé de ce système de pensions dans leurs colonies et il leur a généralement réussi. Nous pourrions en essayer.

En terminant, il ne nous reste qu’à exprimer le vœu que ces questions politiques qui intéressent autant l’Algérie que le Transsaharien soient résolues au plus vite, afin que, le jour où les deux tracés seront étudiés complètement, on n’ait, pour faire un choix entre eux, à considérer que les avantages naturels qu’ils présenteront l’un et l’autre.


PAUL BOURDE.