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trouve dans la vallée des plantations de dattiers et des cultures de riz et de mil, et il n’est pas de pauvre qui n’y ait au moins une vingtaine de bœufs et de chameaux et une cinquantaine de moutons, tant les troupeaux sont nombreux.

Des témoignages assez probans viennent corroborer les rapports des indigènes consultés par M. Sabatier. Barth signale dans la direction où se trouverait la vallée du Teghazert divers districts particulièrement favorisés : celui d’Im-Eggellala « remarquable par sa terre noirâtre et l’abondance de ses puits, » celui de Tilimssi « riche en fourrages pour les chameaux, » celui de Timitren, a qui, indépendamment des puits nombreux, possède plusieurs villages, » celui d’Aheret (ou Ahenet), qui présente « abondance de puits et de torrens temporaires. » L’officier de spahis Ben-Driss a déclaré devant la commission supérieure qu’il tenait de son frère, qui a conduit une expédition au-delà du Touat, qu’à cinq jours de ce pays se trouve une région montagneuse, arrosée, couverte de diverses essences parmi lesquelles dominent les gommiers, très peuplée et habitée par une population sédentaire (ce serait l’Ahenet). Dans un mémoire adressé à la même commission, le rabbin Mardoché, qui a résidé plusieurs années à Tombouctou et a descendu le Niger jusqu’à Gago, évalue à deux millions le nombre de Aouliminden. Si exagéré que soit ce chiffre, il suppose évidemment que le désert où ces Touareg passent une partie de leur existence offre de grandes ressources. Enfin il a existé, ainsi qu’en témoignent El-Bekri, Ibn-Batouta et les traditions indigènes, une ville considérable nommée Tademekka à neuf jours au nord du coude du Niger, en un point compris dans la vallée du Teghazert, telle que M. Sabatier la trace. « C’est une grande ville, dit El-Bekri, mieux bâtie que Ghana et Kouka, habitée par des Berbères. » D’autres ruines sont également signalées dans la même direction ; il faut nécessairement que le pays où elles se trouvent soit fertile pour avoir pu nourrir autrefois une nombreuse population.

L’importance du travail de M. Sabatier ressort du simple énoncé des faits ; il est inutile d’y insister. Elle impose au gouvernement l’obligation d’organiser au plus vite une expédition mieux escortée que celle de la société de géographie d’Oran. L’expérience du colonel Flatters a démontré la vérité de l’axiome depuis longtemps formulé que cent hommes bien armés peuvent parcourir le désert sans avoir rien à craindre. Qu’on assure à la nouvelle mission la protection nécessaire, qu’on lui trace au besoin un itinéraire à l’orient du Touat pour éviter toutes complications dans les oasis et qu’elle reconnaisse sans tarder cette vallée qui vient de nous être révélée et qui, continuant celle de l’Oued-Guir, établirait entre