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et, après avoir visité la Sebkha d’Amadghor et gagné le pays d’Aïr, de descendre au Soudan sur un point dont le choix était laissé à l’inspiration des circonstances. Elle ne l’a point atteint dans sa première campagne. Après avoir suivi l’itinéraire qu’elle s’était tracé jusqu’à El-Biodh au sortir des areg, elle a quitté la direction sud et s’est laissé entraîner vers le sud-est à Temacinin et dans la vallée des Ighargharen, qui l’aurait menée à Rhat si elle l’avait suivie jusqu’au bout. M. Flatters explique cette déviation imprévue par le mauvais vouloir de ses guides chaamba, par leur ignorance du chemin de l’Igharghar supérieur (qu’il ne faut pas confondre avec les Ighargharen qui en sont un affluent), par la nécessité de s’aboucher avec les Azdjer, sur le territoire desquels il s’était engagé, et par diverses considérations d’ordre politique, toutes choses que peut-être on aurait dû prévoir. Du reste, par suite des lenteurs budgétaires, le départ avait été beaucoup trop tardif ; l’expédition n’a pu en effet quitter Ouargla que le 5 mars 1880, alors que l’époque des grandes chaleurs approchait. Elle y est rentrée le 17 mai suivant, après avoir poussé jusqu’au lac Menkhough, où elle était arrivée le 16 avril. Elle a rapporté du chemin qu’elle a parcouru un levé à la boussole avec détermination des altitudes au baromètre et des observations astronomiques de longitude et de latitude faites tous les deux ou trois jours et dans tous les endroits importans. Elle a reconnu sur une longueur de 600 kilomètres environ le tracé que l’on devra adopter pour le Transsaharien si on se décide pour la ligne orientale. À partir de Ouargla, le sol s’élève d’une manière insensible. Après une plaine unie, on rencontre la région des Kantras ; les Arabes appellent kantra (pont) des hauteurs qui ont été créées pour le ravinement du sol autour d’elles. Puis on entre dans les areg, qui ont en cet endroit une épaisseur de près de 300 kilomètres ; à son retour, l’expédition a découvert un passage qui a parfois jusqu’à 50 kilomètres de large et qui est libre de dunes. La traversée de cette région redoutée ne présenterait donc encore de ce côté aucune difficulté. Les indigènes appellent ce passage le gassi de Mokhanza. Au-delà s’étendent des hamadas plates, nues et désolées, auxquelles succède la vallée de l’Igharghar, dont le colonel Flatters comparé le sol à un terrain de ballast. Les cartes donnent à l’Igharghar un lit continu, ce qui peut induire en erreur ; comme beaucoup d’autres oueds de la région, l’Oued Igharghar n’est qu’une suite de dépressions, orientées dans une même direction et n’offrant point le thalweg qu’on s’attendrait à rencontrer dans le lit d’une rivière desséchée.

Au point de vue de l’établissement de la voie, le pays visité par l’expédition ne laisse rien à désirer ; le terrain y est presque