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prenant son temps, se dispersant à droite et à gauche, opérant un cheminement au théodolite complété par un levé de détail à la planchette ; mais au puits de Zebbacha, elle reçut un courrier de la division d’Alger, lui annonçant qu’une bande de pillards s’organisait sur la frontière du Maroc pour envahir le sud de l’Algérie et lui conseillant de se replier sur Laghouat. M. Choisy trouva cette retraite humiliante au moment où ses travaux ne faisaient que commencer ; il envoya des éclaireurs dans la direction du Maroc et, ayant constaté que l’ennemi ne s’était pas encore montré dans un rayon de 100 kilomètres, il continua sa marche vers le sud, — avec plus de hâte, il est vrai ; il fallut renoncer désormais aux opérations géodésiques et se contenter d’un itinéraire à la boussole et au baromètre, quitte à faire des levés exacts sur les points douteux ou difficiles.

La mission parvint, le 17 février, à El-Goleah, où elle passa une semaine. Cette oasis, perdue entre l’Algérie et le Touat, a gardé un souvenir durable de la visite que lui a faite une de nos colonnes en 1873 ; elle paie régulièrement l’impôt, et le cheikh fit un accueil empressé à nos compatriotes. Pendant qu’on se reposait des fatigues d’un mois de marche à travers des lieux inhabités, une partie de l’expédition fit une pointe dans le sud. Depuis le voisinage du golfe de Gabès jusqu’aux bords de l’océan Atlantique, le Sahara est coupé en biais par une épaisse bande de dunes de sable qui court du nord-est au sud-ouest et qu’on appelle les areg dans le sud de l’Algérie. Ces sables constituaient une des grosses objections que l’on opposait au projet du Transsaharien. Comment les traverserait-on ? Dans son voyage à In-Salah, M. Soleillet avait découvert qu’au sud d’El-Goleah, ils n’avaient que 6 kilomètres de traversée ; M. Choisy voulut s’en assurer, et il eut la chance de découvrir un passage plus facile encore, car il n’a que 1 kilomètre 1/2 d’épaisseur. Un tunnel en tôle pour contenir les sables comme les Américains en ont établi sur le Transcontinental pour arrêter les neiges, c’est tout ce qu’il faudrait pour franchir, en cet endroit, cette barrière, que quelques imaginations s’étaient plu à dépeindre comme insurmontable ; on retrouve ensuite au-delà des plaines à sol plat. D’El-Goleah à Ouargla, le programme de la mission ne comportait pas formellement l’étude d’une ligne de chemin de fer ; elle ne s’en attacha pas moins à dresser une carte du pays, qui fournira de précieuses indications si l’on veut plus tard relier Ouargla avec le Touat. a Cette région fut la plus inhospitalière de tout notre parcours, dit M. Choisy. Les indigènes avaient comblé les puits, qui sont profonds, pour se défendre contre les incursions du sud. Le sol pierreux et presque absolument stérile offrait à peine quelques touffes