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élémens auront un poids décisif dans les appréciations sur l’utilité d’un autre chemin de fer. Si le trafic se développe lentement, il est évident que la construction du Transsaharien sera reculée en raison de cette lenteur. Une première ligne donnant des résultats peu satisfaisans, qui fournirait plusieurs centaines de millions pour en créer une seconde ? Si le succès répond aux espérances, il est évident, au contraire, qu’il dissipera toutes les appréhensions des esprits que le projet de lancer une voie ferrée à travers 2,000 kilomètres de sable inquiète comme une idée un peu chimérique. Échec ou réussite, le sort de la ligne du Sénégal aura donc un contre-coup inévitable sur celui du Transsaharien.

Si incertaine que cette situation rende l’époque où cette grande entreprise entrera dans sa période d’exécution, la France, pour se trouver prête à tout événement, n’en doit pas moins terminer promptement les études commencées. Aussi bien le gouvernement les fait-il continuer, — avec moins de vigueur, il est vrai, qu’on ne le souhaiterait. Deux raisons l’y engagent. La première, c’est que la ligne du Sénégal deviendra vite insuffisante pour un commerce très actif, parce qu’elle laisse les produits à neuf jours de Bordeaux, tandis que le Transsaharien les amènera à quelques heures de Marseille, et parce qu’elle se maintient sur tout son parcours dans des régions qui sont meurtrières pour, les blancs pendant les mois de l’hivernage, tandis que : l’Algérie et le Sahara, hormis pourtant, les bas-fonds, sont d’une salubrité constante. La seconde, c’est que cette ligne desservira mal la partie la plus riche et la plus peuplée du Soudan, celle qui s’étend entre le Niger et le lac Tchad. Le Transsaharien sera nécessaire pour y atteindre véritablement. Le voyageur Gérard Rohlfs a proposé, les journaux allemands et italiens ont discuté et discutent encore le projet d’un chemin de, fer qui, partant de Tripoli pour aboutir au Bornou, nous enlèverait à jamais toute cette région. Les concurrens qui peuvent nous surgir de ce côté reparaissent pas, assez niches pour aventurer une aussi colossale dépense ; il est bon néanmoins de nous en préoccuper, car pas plus là que dans le haut Niger nous ne devons nous laisser distancer. Dans le Soudan gît notre dernière chance de nous créer un grand empire colonial. Il faut que, le jour où la ligne transsaharienne sera jugée nécessaire, nous soyons en état d’y mettre aussitôt la pioche.


I

La commission supérieure, instituée « pour l’étude des questions relatives à la mise en communication par voie ferrée de l’Algérie