Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

usées, et les neuves, qu’on attendait de France, ne venaient pas. A défaut de ces chaloupes, le commandant, dès son arrivée au Rio-Grande, prit tous les navires de commerce à vapeur et les arma avec des hommes de ses équipages. Le chef d’état-major Lagougine avait le commandement de cette flottille improvisée. Il devait remonter le Rio-Grande pendant que le bataillon du commandant de Bigant, débarqué par le Var, se rendrait de Bagdad à Matamoros. Tout réussit à point. En quelques heures, on mit à terre, sans le moindre accident, sept cents hommes avec l’artillerie, soixante-quinze chevaux ou mulets et un matériel d’approvisionnement considérable. Le 3 mai, à une heure de l’après-midi, la colonne s’avança par la rive droite du fleuve. Elle était appuyée par les trois vapeurs. Cette marche hardie était imposée par les circonstances. Le général Mejia écrivait : « Arrivez vite, j’ai absolument besoin d’être secouru. » — Il était temps, en effet. Negrete venait d’arriver devant Matamoros après avoir fait une diligence extrême. Comprenant de quelle importance il était pour lui de devancer tout secours qui viendrait à la ville, il ne s’était arrêté à Monterey que Le temps nécessaire pour imposer aux habitans un emprunt de 220,000 piastres, contre lesquelles il avait donné le double en bons sur la douane de Matamoros, intéressant ainsi, d’une façon toute mexicaine, le commerce de Monterey au succès de ses opérations. Puis il avait franchi en six jours, par une route très difficile, les 90 lieues qui séparent Monterey de Matamoros. Negrete comptait sur les nombreux adhérens que lui avait préparés Cortina, mais les juaristes et les yankees étaient contenus par les étrangers organisés, au nombre de six cents, en milice, et qui redoutaient, dans la prise de la ville, le pillage de leurs propriétés. Moins courageux ou moins intéressés dans la question, tous les fonctionnaires mexicains, à l’exception du chef politique, dès qu’ils avaient appris l’arrivée de Negrete, s’étaient enfuis de Matamoros à Brownswille. Méjia, pour son compte, s’était défendu vigoureusement, et Negrete, contraint de donner quelque repos à ses troupes, n’avait fait qu’escarmoucher avec sa cavalerie.

A la nouvelle de l’heureux débarquement de la colonne française à Bagdad, Negrete, dont l’armée souffrait mille privations dans une plaine sans ressources, battit en retraite. Il partait avec trois mille fantassins et mille cavaliers dans la direction de Monterey, en laissant comme rideau, devant Matamoros les bandes de Carvajal et de Canales.

Si nous avions tardé un ou deux jours, ou si le mauvais temps se fût opposé au débarquement, c’en était fait de Matamoros, et après avoir, tout récemment, perdu par la prise de Saltillo et de Monterey le Cohahuela et le Nuevo Léon, nous perdions tout le