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de la France, qui, bien que moins éprouvées que celle des Alpes, ont, au point de vue du régime des eaux, également besoin d’être en grande partie reboisées. C’est une entreprise qui devra se chiffrer par plusieurs centaines de millions, et il faudrait avoir le courage, non-seulement de le dire, mais aussi de proposer les mesures nécessaires pour la mener à bien.

On s’explique cependant les scrupules du législateur de 1860. Il s’agissait alors d’une entreprise nouvelle, dont le succès était incertain et qui, froissant de graves intérêts, devait rencontrer de violentes hostilités. Il fallait donc, d’une part, éviter d’effrayer le pays par l’élévation de la dépense ; d’autre part, faire accepter la loi aux populations des montagnes en leur montrant que les restrictions apportées à leur jouissance étaient peu importantes, comparées aux avantages qui devaient en découler. Mais, une fois ce résultat obtenu, il eût fallu montrer un peu plus d’énergie et adopter peu à peu des mesures plus radicales. C’est précisément l’inverse qu’on a fait, puisque le gouvernement, craignant de s’être montré trop hardi, modifia, dès 1864, la loi de 1860, de façon à pouvoir substituer le regazonnement au reboisement. Nous avons vu que cette nouvelle disposition avait si peu répondu aux espérances qu’on avait dû presque aussitôt la considérer comme non avenue. Plus tard, en 1876, M. Faré, directeur-général des forêts, présenta un nouveau projet de loi ayant pour objet de recourir le plus possible aux reboisemens facultatifs et de restreindre les reboisemens obligatoires aux parties de montagnes dont la dégradation présente des dangers nés et actuels. Muet sur la question du pâturage, ce projet, qui ne contenait d’ailleurs aucune disposition pour empêcher les dangers de naître, ne pouvait donner que des résultats illusoires et ne s’explique que par le désir de débarrasser l’administration forestière des questions irritantes que soulevait l’application de la loi de 1860. Voté par la chambre des députés et présenté au sénat, il a été retiré par le successeur de M. Faré, qui en présenta lui-même un nouveau, à la suite des résolutions formulées par la commission du régime des eaux, dont nous avons parlé au début de ce travail et dont, chose singulière, M. Faré lui-même avait été le promoteur. Mieux inspiré comme rapporteur que comme directeur-général, ce dernier a exposé avec une grande lucidité les difficultés que présente ce problème aride et compliqué. Le projet de loi auquel cette commission s’est ralliée, et qui a été d’abord soumis au sénat, maintient le principe des subventions aux particuliers pour les travaux de reboisement en montagne ; il attribue au chef de l’état la détermination par voie de décret, rendu en conseil d’état, des périmètres dans lesquels les travaux de