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de la victoire d’Arbèles faillit faire tomber les armes de ses mains ; dans toutes les cités grecques, le parti macédonien reprit rapidement le dessus. On n’avait pas oublié d’ailleurs le tyrannique usage que Sparte faisait jadis de son ascendant ; ce n’était pas sous les auspices des pâtres de l’Eurotas que la Grèce eût voulu secouer le joug d’Alexandre. Rendre le pouvoir à l’oligarchie n’avait rien de bien séduisant pour la démocratie athénienne, et, il ne fallait pas se le dissimuler, Sparte triomphante, c’était partout le retour des bannis, partout le rétablissement des harmostes. Entre Alexandre et les héritiers de Lysandre il était permis d’hésiter. Athènes ne bougeait donc pas : Démade et Phocion contenaient par leurs sages conseils la multitude ; Démosthène se taisait, car sa haine contre la Macédoine ne l’aveuglait pas à ce point qu’il ne sût pressentir l’issue d’un soulèvement qui manquerait de l’enthousiasme tout-puissant des anciens jours. La leçon de Chéronée l’avait rendu circonspect.

Tout à coup le bruit se répand que le gouverneur macédonien de la Thrace, Ménon, s’est mis d’accord avec le vieux parti national qui n’a pas cessé d’agiter cette province. L’ambitieux lieutenant caresse-t-il le rêve de poser sur son front la couronne, ou n’obéit-il qu’à une animosité secrète contre Antipater ? Alexandre a fait choix sans doute du plus habile, du plus ferme de ses officiers pour lui confier le soin d’exercer, pendant son absence, l’autorité royale en Macédoine, mais la dureté de ce caractère énergique rend l’obéissance difficile à ceux qui se croyaient de taille à rester les égaux d’un ancien compagnon d’armes. Ménon vient donc de lever l’étendard de la révolte. Antipater a compris le danger de cette défection ; impatient d’étouffer le mal à sa source, il vole en Thrace avec toutes les troupes qui se trouvent sous sa main. La Grèce sent du même coup s’alléger le poids qui comprimait sa poitrine. L’explosion est soudaine et, chose honteuse à dire, ce n’est plus la prudence qui retient Athènes, c’est l’impossibilité d’équiper une flotte sans distraire pour cette dépense l’argent destiné aux théories : les fêtes d’abord, l’indépendance de la Grèce, si la chose est possible, ensuite ! D’autres villes restent neutres, mais en petit nombre : en Achaïe, Pellène ; en Arcadie, Mégalopolis. La neutralité de Mégalopolis se montre même hostile. Ce boulevard élevé par Épaminondas contre la suprématie lacédémonienne a toujours été l’obstacle où sont venues butter les revendications de Sparte. Antipater a pris soin, en s’éloignant, d’y laisser une garnison. Les Éléens, les Achéens, les Arcadiens ont, en revanche, répondu avec empressement à l’appel d’Agis. Le fils d’Archidamus se voit bientôt à la tête d’une armée