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envoie chaque année la fleur de sa jeunesse instruite et laborieuse. Mieux peut-être que la diplomatie, elles représentent, à l’étranger, l’âme même de la France, ces idées généreuses qui sont le meilleur de son prestige et de sa gloire ; l’esprit y souffle plus librement que dans les chancelleries. Elles représentent aussi l’amour du beau, le culte du vrai, la passion de la recherche désintéressée ; elles honorent la nation qui a compris, au lendemain de ses désastres, qu’il ne lui suffisait pas de reconstituer son épargne et son armée, mais qu’il lui importait surtout de refaire son éducation, d’éclairer son intelligence et de tenir haut sa pensée. Enfin ces écoles sont des pépinières d’érudits dont la plupart, formés par les plus fortes études classiques, sauront conserver la précieuse tradition de la bonne langue et du bon style ; les professeurs dont elles peuplent nos facultés ont senti s’éveiller en eux, dans ces années de jeunesse qui décident de toute la vie, ce goût de la difficulté vaincue, ce désir d’apprendre, cette curiosité que l’on peut presque appeler une vertu. Un lien étroit rattache l’un à l’autre les divers ordres d’enseignement. Longtemps méconnue, cette vérité commence à être généralement comprise. Le plus humble maître d’école de village, le plus modeste régent de collège communal profitent, à la longue et dans une certaine mesure, des méthodes inaugurées et des découvertes exposées par les maîtres du Collège de France, de la Sorbonne et de l’École des chartes. Ces missions permanentes, dont le budget, déjà bien étroit, a été parfois menacé et même restreint par les commissions parlementaires, ne sont donc pas seulement des objets et des institutions de luxe ; rappelez-vous le mot fin et profond de Voltaire sur le superflu, chose si nécessaire.

L’École d’Athènes compte déjà près d’un demi-siècle d’existence, l’École de Rome n’a pas encore dix ans de vie ; mais, sous l’habile direction de MM. Albert Dumont et Geffroy, elle a bien vite fait ses preuves et conquis de beaux états de services. Lorsqu’il a été question, pour la première fois, de l’École du Caire, on pouvait faire valoir, contre le projet de cette fondation nouvelle, beaucoup de ces objections spécieuses et sensées en apparence que provoquent toutes les entreprises non encore essayées. Les études dont il s’agissait de favoriser ainsi les progrès présentaient-elles un intérêt aussi général que celles qui se rattachent à l’antiquité classique, à ses lettres et à ses arts, ou bien à cette histoire du moyen âge et de la renaissance qui s’est fait une si grande place dans les préoccupations de notre jeune colonie romaine ? Les travaux que nos missionnaires de la science voudraient entreprendre au musée, parmi les monumens et dans le sol de l’Égypte, ne