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Dans l’île de Syros, ne donne pas une idée plus brillante encore de l’œuvre improvisée par la Grèce indépendante. Sous la domination turque, c’était à peine une bourgade, c’est aujourd’hui une grande ville, et qui paraît d’autant plus grande qu’elle est pour ainsi dire jetée sur un rocher stérile, dont la nudité fait ressortir son éclatante blancheur, ses vastes et élégantes proportions. Ses places, son marché, ses rues m’ont beaucoup plus frappé que ceux d’Athènes. Il est vrai qu’Hermopolis est dans une admirable situation commerciale et maritime, au centre des Cyclades, sur la grande route de l’Europe. Le Pirée envie à Hermopolis sa prospérité, en vertu de ce particularisme, de cette jalousie de ville à ville, qui sont aussi vifs dans la Grèce moderne que dans la Grèce antique. Il est possible qu’il vienne à enlever à sa rivale une partie des richesses qui font sa gloire, attendu que, si son port est petit, celui de Syros ne l’est guère moins. Dans ce cas, Athènes profiterait des gains que ferait le Pirée. Cela ne changerait rien d’ailleurs à sa physionomie actuelle. Ses rues peuvent s’allonger, ses maisons se multiplier, mais il est peu probable que l’art y renaisse. Les églises n’y sont guère remarquables. A défaut de beauté, un certain nombre de chapelles byzantines ont un aspect original ; leur petitesse étonne ; l’une d’elles interrompt agréablement la rue d’Hermès, la rue de Rivoli d’Athènes, au grand désespoir des amateurs de lignes droites. Quant à la cathédrale, c’est, dans son genre, une œuvre qui vaut le palais royal ; elle impose par sa masse et aveugle par sa lourdeur.

Je ne sais si je juge avec impartialité l’Athènes moderne. J’avouerai que, tout persuadé que je suis de l’utilité de placer au pied de l’Acropole la capitale du royaume hellénique, je ne puis penser sans regrets aux trésors que recouvrent peut-être et que recouvriront désormais pour toujours les constructions qui s’élèvent tout autour du rocher sacré. Que de fois, en creusant les fondemens d’une maison, n’a-t-on pas rencontré des vases peints, des statuettes de terre cuite, des objets d’une valeur inappréciable pour l’art ou pour l’histoire ? Avant de charger le sol d’édifices monstrueux, il aurait fallu le fouiller dans tous les sens à une grande profondeur, afin d’en retirer jusqu’au dernier débris d’en passé qui fait encore toute la gloire, toute la force, tout le prestige de la Grèce. Dans leur désir de posséder au plus vite une capitale, les Grecs se sont hâtés d’engloutir des œuvres qui sont pourtant leur seul titre de noblesse, leur seul droit à l’existence. Il y a quelques années, en déblayant le Céramique extérieur, on a trouvé quelques bas-reliefs admirables dont l’un pour le moins est de l’école de Phidias. On en est resté là faute d’argent, et aussi pour éviter de démolir une misérable chapelle, mais on a laissé des maisons s’élever alentour. Au prix que coûte parfois la civilisation, on se prend à regretter la