Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/500

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la vie parlementaire se réveille un peu partout. Le parlement anglais vient de se réunir un des premiers ; il s’est rouvert cette année plus tôt que d’habitude en raison même des difficultés dont le gouvernement a été assailli depuis quelque temps, et le discours de la reine qui a inauguré la session, qui est devenu aussitôt le thème des premiers débats des chambres, n’est qu’un sommaire assez vague de ces difficultés. Il court à travers toutes les questions pour arriver à la plus grave, à la plus épineuse, celle de l’Irlande. Évidemment c’est là, pour le moment, la plus sérieuse préoccupation, comme c’est le plus grand embarras du gouvernement anglais. Pour le reste, on passe assez vite ; la reine, dans son discours, les ministres, dans leurs explications, les chefs de l’opposition eux-mêmes, dans leurs attaques, insistent peu sur ce qui en certains momens a passionné l’opinion.

L’Afghanistan, c’est toujours assurément une grosse affaire pour l’Angleterre, et pour son début, l’ancien vice-roi des Indes, lord Lytton, récemment entré à la chambre des pairs, en a exposé l’importance au point de vue de la sécurité, de l’avenir de l’empire indien ; au demeurant, le cabinet libéral ne demanderait pas mieux que de se débarrasser de ces complications indiennes en les rejetant pour le passé sur l’ancien ministère, sur lord Lytton lui-même, et le discours royal laisse voir l’intention de rappeler le plus tôt possible les troupes anglaises campées encore à Candahar. L’insurrection du Transvaal, la guerre des Bassoutos dans l’Afrique australe, c’est un autre contre-temps qui nécessite un déploiement momentané de forces militaires pour maintenir la suprématie britannique, mais avec lequel on se hâtera d’en finir, dès qu’on le pourra, par des « moyens amicaux. » Le différend turco-hellénique lui-même, la reine l’a mentionné d’un mot rapide, et après la reine, les ministres, M. Gladstone, lord Granville, en ont parlé d’un ton assez dégagé en rejetant lestement sur la France l’initiative des négociations nouvelles, la responsabilité de l’arbitrage. « Ce n’est pas l’Angleterre, dit M. Gladstone, c’est la France qui, avec le concours du bon vouloir du cabinet anglais, suggère un mode de solution dans l’intérêt commun… » Les ministres anglais déplacent un peu les rôles, ce nous semble ; ils paraissent bien prompts à oublier tout ce qu’a fait l’Angleterre depuis le congrès de Berlin, ce qu’a fait le cabinet libéral lui-même à son avènement pour entraîner les cabinets un peu plus loin peut-être qu’ils ne voulaient aller. La vérité est que depuis lors l’Angleterre s’est quelque peu désintéressée de ces querelles orientales, et que, pour elle, tout s’efface aujourd’hui devant ces affaires de l’Irlande, qui n’ont fait que s’aggraver, tantôt par la temporisation trop prolongée du gouvernement, tantôt par ce procès inutile de M. Parnell et de ses amis, qui se déroule encore devant la cour de Dublin, qui menace de finir dans l’impuissance. Ici le cabinet, par le discours de la reine comme par les discours de quelques-uns de ses membres,