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ou la Mort de Robespierre, voulez-vous des tragédies, ornées de quelques allusions, sans doute, mais enfin selon la formule ? Voici le Mucius Scævola de Luce de Lancival, ou le Cincinnatus d’Arnault, ou l’Epicharis et Néron de Gabriel Legouvé ? Aimez-vous mieux la farce ? Voici les Arlequins, — Arlequin tailleur, Arlequin sculpteur, Arlequin perruquier, — et voici le joyeux Pigault-Lebrun avec les Dragons et les Bénédictines. Ajoutez, pour que rien n’y manque : le ballet « anacréontique, » l’opérette égrillarde, où l’on chante la chanson fameuse :

J’ons un curé patriote…

l’idylle villageoise, et la niaiserie sentimentale : Saint-Far, ou la Délicatesse de l’amour.


A la vérité, quelques omissions que nous avons remarquées dans le livre de M. Welschinger ne nous permettent pas de garantir les chiffres pour exacts. C’est ainsi que, dans les derniers jours de 1791 et les premiers de 1792, on n’a pas représenté moins d’une demi-douzaine de pièces dont les héros étaient les Suisses du régiment de Châteauvieux. M. Welschinger n’en cite, je crois, pas une. Cependant l’épisode a son importance, puisque toutes les fêtes révolutionnaires depuis se sont plus ou moins inspirées du programme que traça Tallien pour l’entrée triomphale à Paris de ces forçats libérés. C’est le programme qui finissait par ce paragraphe : « Alors les soldats de Châteauvieux se mêleront avec leurs frères dans des festins civiques, pour lesquels les citoyens s’empresseront de réunir leur repas de famille aux vivres que le commerce y apportera abondamment ; des danses signaleront l’allégresse publique, et la fête durera autant que le jour, trop prompt à fuir, le permettra[1]. » Je ne sais ce qu’en pensera le lecteur, mais moi, pour un million, comme dit Bélise, je ne donnerais pas ce : trop prompt à fuir. Quoi qu’il en soit et même en supposant qu’il y ait d’autres omissions encore dans le livre de M. Welschinger, involontaires ou voulues, et nous pourrions en signaler plusieurs, la vraie physionomie des choses n’en est pas altérée. Ce qui demeure certain, c’est qu’au jour de l’exécution des girondins, comme de l’exécution des dantonistes, comme de l’exécution de Robespierre et de Saint-Just, les théâtres ont joué et même donné des premières. On peut donc se fier, sauf pour quelques détails, au livre de M. Welschinger. C’est seulement dommage qu’il ne soit pas mieux composé.

Il eût convenu d’abord de remonter un peu plus haut dans l’histoire, de quelques années à peine, et de montrer, brièvement, dans le théâtre de Voltaire et dans les théories dramatiques de Diderot les origines du théâtre de la révolution. Car, cette idée de faire du théâtre « une école de mœurs, » comme dit J.-B. Radet, elle vient de Diderot en droite ligne.

  1. Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur.