Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’endetter vis-à-vis de l’étranger ; et si cet état de choses doit continuer, l’or et l’argent qu’on se sera procurés à grands frais auront bientôt repassé la frontière. Cette conclusion semble irréfragable, et M. Magliani se débat péniblement contre elle. Il s’ingénie à découvrir et à indiquer des compensations aux paiemens que le gouvernement italien fait au dehors, par exemple les traitemens des agens diplomatiques qui trouvent un équivalent dans les dépenses des diplomates et des consuls étrangers dans les villes d’Italie. Il a quelque mauvaise grâce, lui, ministre des finances, chargé de la perception des impôts, à ne pas admettre l’exactitude des états de douanes dressés par son propre département, et cependant il est amené à la contester. A notre avis, il ne le fait pas assez résolument. Un tableau qu’il publie constate que, pour l’Angleterre, la France, la Belgique, la Hollande, l’Allemagne, c’est-à-dire pour presque tout le continent comme pour l’Italie, les importations l’emportent sur les exportations, et pour certains pays, l’Angleterre et la France, la différence se chiffre annuellement par milliards. Or, si tout le monde achète plus qu’il ne vend, d’où proviennent donc, chaque année, ces milliards de marchandises que personne ne se trouve avoir vendues ? La vérité est que, si les états de douanes fournissent des renseignemens dignes de foi en ce qui concerne les quantités, que ces quantités se traduisent en nombres, en longueurs ou en poids, les évaluations qui sont jointes à ces indications matérielles et vérifiables sont fort sujettes à caution. D’une part, les exportateurs ont l’habitude invariable d’atténuer la valeur de leurs expéditions, afin que celles-ci, à leur arrivée en pays étranger, soient grevées le moins lourdement possible ; la douane de sortie n’a aucun moyen de vérifier la sincérité de ces déclarations, et elle n’a aucun intérêt à l’entreprendre ; elle se contente donc d’enregistrer les déclarations telles qu’elles lui sont faites. D’autre part, pour évaluer îles marchandises qui entrent, la douane n’a d’autres élémens que des moyennes établies pour toute une période et révisées à des intervalles assez éloignés. Or, personne n’ignore qu’un fabricant peut abaisser notablement le prix d’un article, sans diminuer son bénéfice annuel, s’il en a perfectionné la fabrication, ou simplement s’il le fabrique en plus grande quantité ; c’est ainsi que les fils, les fers, les aciers ont baissé de prix dans des proportions presque incroyables. Il pourra donc arriver que l’importation d’un article double ou triple et que la somme à payer au pays producteur demeure la même : cependant la douane, appliquant sa moyenne, inscrira aux importations une valeur double ou triple de la valeur réelle.

Les évaluations consignées dans les états de douane doivent donc être considérées tout au plus comme des approximations : elles sont toujours au-dessous de la vérité en ce qui concerne les