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difficiles qu’on ne le pense à établir., La cour des comptes en offre actuellement 1 ! exemple en ne donnant au ministre qu’un choix limité.

« Vous voulez fortifier, dira-t-on, les mœurs judiciaires ? Ces présentations, vont les troublée : elles créeront les brigues et altéreront les relations mutuelles. » Si la prévision était fondée, quel spectacle de divisions ne fourniraient pas les corps qui se recrutent eux-mêmes ! Où cependant la confraternité est-elle plus simple, plus dénuée d’aigreur que dans le sein des académies ? Le nouveau venu. peut-il deviner à l’accueil de ses anciens quel a été le vote hostile à son entrée ? Le scrutin proclamé, c’est le propre de l’esprit de corps de prévaloir sur les préférences individuelles. Sous l’influence de la politique, la cooptation peut amener la formation de partis ; mais si elle est tempérée par le choix, du ministre s’exerçant sur deux listes. L’esprit de coterie et de compétition ne pourra, pas naître ni se développer.

M. Portalis disait en 1840 : « C’est, surtout dans un état où règne l’égalité civile, oui triomphe l’égalité politique, où tous, sont également admissibles à tous les emplois, lorsqu’il n’y a plus de présomption légale d’aptitude, ni de capacité, qu’il doit exister en avant de toutes les carrières publiques des stages, des noviciats, des candidatures[1]. » Les garanties que nous venons d’examiner ont toutes en vue la magistrature dans un état démocratique, l’abolition de toute faveur, la substitution du mérite reconnu à l’intrigue et aux sollicitations inavouables, l’établissement enfin d’un perpétuel concours entre les magistrats, concours, créé par l’émulation, entretenu par une ambition) légitime et constamment surveillé pair tous ceux qui entourent le tribunal et dont l’opinion, bien avant d’être officiellement consultée, était décisive sur la valeur des magistrats.


VI

Nous n’avons eu en vue qu’un seul but : améliorer, sans bouleverser. Notre organisation judiciaire nous semble bonne. Avec très peu d’efforts, elle peut, devenir meilleure. Lorsque les jeunes recrues de la magistrature n’y entreront que la tête haute par la porte du concours et par la libre présentation des tribunaux, juges du mérite des auditeurs, lorsque le garde des sceaux ne pourra nommer que les candidats appelés par les vœux des magistrats ou des jurisconsultes, quand les juges attachés à de grands tribunaux auront été délivrés de la fièvre d’avancement qui les dévore, lorsqu’ils auront cessé de tourner leurs regards et leurs sollicitations vers la

  1. Rapport à la chambre des pairs sur les juges suppléans, 1840. Monit., p. 1616.