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discussion se prolonge davantage, où la voix de chacun a un poids plus considérable, où nul n’abdique s’il a une conviction, où enfin la discussion n’est jamais close par l’intolérance. Un minimum de trois au tribunal, de cinq à la cour, nous parait en proportion. Des magistrats fort expérimentés le souhaitent, ceux qui hésitent encore reconnaissent qu’avec des garanties d’aptitude plus sérieuses, la justice ne courra aucun risque.

A cette réforme, qui supprimerait deux magistrats par chambre civile, soit environ cent sièges de conseillers, il faut ajouter la diminution que pourrait produire la comparaison entre le personnel et le nombre des appels. La commission réunie à la chancellerie en 1874 était composée de magistrats, adversaires déterminés des suppressions de juridictions : elle ne peut être suspecte, quand elle déclare que les cours doivent être réduites de quatre-vingt-onze conseillers et de trois avocats-généraux. La commission fit observer que ces chiffres étaient un minimum et que le travail imposé à tous les magistrats par ces réductions serait loin d’atteindre celui des cours les plus chargées.

Ainsi la suppression de deux cents sièges et une économie d’un million peuvent permettre aux chambres de commencer peu à peu à relever les traitemens. Ce sera là une première et légitime satisfaction donnée au sentiment public. Assurément un jour, si le nombre des procès décroît, si certaines cours semblent abandonnées par le courant des affaires, il y aura peut-être des ressorts à fondre. Ce sera l’œuvre de l’avenir. Dans cette étude nous sommes résolus à ne songer qu’au présent[1].


IV

Si nous nous sommes fait comprendre dans les pages qui précèdent, il sera devenu évident pour le lecteur que le problème de l’organisation judiciaire se concentre presque entièrement sur le choix des magistrats. De la valeur du juge dépendent la bonté de la justice et l’effet salutaire des lois. Il faut que le juge connaisse également les textes et les hommes, qu’il ait étudié et réfléchi, que son instruction soit profonde et son esprit droit : en un mot, qu’il soit capable de discerner le vrai. Mais ce premier mérite serait insuffisant si le juge n’avait pas autant de courage que de science. Toute sentence porte aux parties la satisfaction ou la tristesse : celui qui rend la justice ne doit pas être plus ébranlé par le désir de plaire

  1. La cour de cassation n’a soulevé de critiques que sur un point. La chambre des requêtes a été vivement attaquée au profit d’une seconde chambre civile. Cette transformation briserait la jurisprudence. Son unité tient à l’existence d’une seule chambre civile. Noos insisterons ailleurs sur la nécessité de conserver l’organisation actuelle.