Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

votre jeunesse et de votre ignorance, mon âme généreuse, incapable de ressentiment, veut oublier vos torts et pardonner à votre légèreté ; soyez donc absous et revenez sans crainte égayer les ennuis de ma maîtresse solitaire, Vous n’avez rien à redouter de ma vengeance. Brave vous pardonne ! que tout soit oublié, et si vous êtes d’aussi bonne foi que moi, qu’un embrassement fraternel soit le sceau de notre réconciliation ; je vous offre ma patte avec franchise et loyauté et joins ici, pour votre sûreté personnelle, un sauf-conduit qui vous mettra à couvert des ressentimens que votre lettre aurait pu exciter dans les environs.

Brave, seigneur chien, maître commandant, général en chef et inspecteur de toute la chiennerie du pays, à Mylord, au Chien bleu, à Marchant, à Labrie, à Charmette, à Capitaine, à Pistolet, à Caniche, à Parpluche, à Mouche, à tous les chiens jeunes et vieux, mâles et femelles, ras et tondus, grands et petits, galeux et enragés, infirmes et podagres, hargneux et arrogans, domiciliés dans le bourg de Nohant, dans celui de Montgivray, dans la maison à Rochette, à la Thuillerie, etc., et tous autres lieux situés entre la Châtre et Nohant.

Défense vous est faite, sous peine de mort, de mordre, poursuivre, menacer ou insulter les trois individus ci-dessous mentionnés :

Charles Duvernet, Jules Sandeau, Alphonse Fleury,

lesquels seront porteurs du présent sauf-conduit que nous leur avons délivré le décembre 1830 en notre niche, en présence du Chien bleu et de madame Aurore D.

Signé : Brave.


A Monsieur Jules Boucoiran, à Nohant.


Paris, 12 février 1831.

Mon cher enfant, je vous remercie de votre bonne lettre ; écrivez-moi souvent, je vous en prie. Il n’y a que par vous que je sais avec exactitude l’état de mes enfans. Dites à Maurice de m’écrire, mais laissez-le libre et d’écriture et d’orthographe et de style. J’aime ses naïvetés et ses barbouillages, et je ne veux pas qu’il considère l’heure de m’écrire comme une heure de travail. Une page deux fois la semaine, ce ne sera pas assez pour l’embrouiller dans ses progrès. Je suis bien contente qu’il se rende à la nécessité de travailler sans verser trop de larmes. Une fois l’habitude prise, il ne se trouvera pas plus malheureux qu’avant.