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les talens et le mérite de cette personne estimable, que vous n’avez pas craint d’envelopper dans vos soupçons injurieux sur notre patriotisme et notre moralité.

D’abord, examinons les faits qu’on m’attribue. M. Fleury, mon principal accusateur, prétend :

1o  Que moi, Brave, assis sur mon postérieur, j’ai été surpris par lui, Fleury, réfléchissant aux malheurs que des factieux ont attirés sur la tête de l’ex-roi de France, Charles X.

M. Fleury insiste sur l’expression de factieux, dont il assure que je me suis servi.

2o  Il prétend m’avoir surpris lisant la Quotidienne en cachette et, d’après ces deux chefs d’accusation, il ne craint pas de se répandre en invectives contre ma personne, de me traiter tour à tour de carliste, de jésuite, d’ultramontain, de serpent, de crocodile, de boa, d’hypocrite, de chouan, de Ravaillac.

Quelle âme honnête ne serait révoltée à cette épouvantable liste d’épithètes infamantes, gratuitement déversées sur un chien de bonne vie et mœurs, d’après deux accusations aussi frivoles, aussi peu avérées ! mais je méprise ces outrages et n’en fais pas plus de cas que d’un os sans viande.

M. Fleury ment à sa conscience lorsqu’il rapporte avoir entendu sortir de ma gueule le mot de factieux appliqué aux glorieux libérateurs de la patrie. Je vous le demande, ô vous qui ne craignez pas de flétrir la réputation d’un chien paisible, ai-je pu me rendre coupable d’une aussi absurde injustice ? Pouvez-vous supposer que j’aie le moindre intérêt à méconnaître les bienfaits de la révolution ? N’est-ce pas sous l’abominable préfecture d’un favori des Villèle et des Peyronnet, que les chiens ont été proscrits comme du tems d’Hérode le furent d’innocens martyrs enveloppés dans la ruine d’un seul !

N’est-ce pas en faveur des prérogatives de la noblesse et de l’aristocratie que l’entrée des Tuileries fut interdite aux chiens libres et accordée seulement comme un privilège à cette classe dégradée des Bichons et des Carlins, que les douairières du noble faubourg traînent en laisse comme des esclaves au collier doré ? Oui, j’en conviens, il est une race de chiens dévouée de tout tems à la cour et avilie dans les antichambres, ce sont les Carlins, dont le nom offre assez de similitude avec celui de carlistes pour qu’on ne s’y méprenne point. Mais nous, descendans des libres montagnards des Pyrénées, race pastorale et agreste, nous qui, au milieu des neiges et des rocs inaccessibles, gardons contre la dent sanglante des loups et des ours, contre la serre cruelle des aigles et des vautours, les jeunes agneaux et les blanches brebis de la romantique vallée d’Andorre ! .. Ah ! ce souvenir de ma patrie et de mes jeunes ans