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mine morose et le front rembruni. Il rapporte de Kervenargan deux branchettes de chêne vert et un galet ramassés sur la grève de Saint-Ronan. Il a enveloppé soigneusement ces deux reliques dans sa chemise de nuit, il a ficelé, le tout dans un vieux journal et il ne quitte pas de l’œil son précieux paquet. — A l’une des fenêtres de l’hôtel, Mariannic, la petite servante de la table d’hôte, penche son corsage bleu, sa tête blonde souriante et nous souhaite bon voyage ; le conducteur fouette ses chevaux, les grelots tintent, et nous voilà en route pour Quimper.

Ces petites villes bretonnes ont toutes un air de famille ; je me borne à noter au passage quelques traits de leur physionomie qui m’ont particulièrement frappé. — A Quimper, une cathédrale à mine sévère où la statue du roi Gradlon chevauche, haut dans l’air, entre deux sveltes flèches jumelles ; une jolie rivière encaissée entre un quai bordé de cafés et de boutiques, et un grand bois de hêtres, sur la gauche, — A Concarneau, la ville close, fortifiée par Vauban, mirant silencieusement dans l’eau du port ses tours massives et ses noires fortifications, tandis que la ville marchande se répand, bruyante, au bord d’une baie large et semée de voiles. — A Pontaven, la ville des meuniers, une vallée profonde, semée de blocs de granit ; un bruit étourdissant de roues de moulins, d’écluses ouvertes et d’eaux bouillonnantes ; puis, au-delà des vieilles maisons perchées à chevauchons sur le cours de l’Aven, une pittoresque auberge qui rappelle Barbizon et où une quarantaine de paysagistes anglais ou américains discutent bruyamment. — A Quimperlé, un aspect moitié arcadien, moitié monastique : des prés et des parcs enclavés dans les maisons ; des rues solitaires où l’Ellé et l’Isole, deux poissonneuses rivières, roulent rapidement leurs, eaux sonores ; de verdoyantes éminences, d’où une aiguille de clocher ou une façade de couvent surgit d’un massif d’arbres…

Notre dernière étape a été pour Landerneau, auquel sa lune et ses commérages ont fait une réputation proverbiale. Le train de Quimper s’y arrête, et comme nous devons attendre le passage du train de Brest, nous avons une heure de loisir, juste le temps de visiter sommairement la ville.

Nous nous arrêtons d’abord devant une église du XVIe siècle adossée à un pâté de maisons de la même époque. Entre les poutres du pignon de l’un de ces vieux logis, des hirondelles ont bâti leurs nids. Bien que nous soyons à la fin de septembre, le temps est si doux qu’elles n’ont pas encore songé à émigrer. Elles vont, viennent et virent autour des toitures pointues ; leurs ailes en fer de flèche se découpent sur le ciel bleu, et nous nous amusons à suivre les ébats de ces buveuses d’air. Elles sortent du nid, puis y rentrent en poussant de petits cris aigus ; on dirait que, comme