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Vous ferez partout désarmer le pays, et arrêter les gendarmes, canonniers, gardes-côtes, et officiers et soldats ou employés qui, étant au service, auraient trahi. Leurs propriétés seront confisquées. N’oubliez pas surtout toutes les maisons de Hambourg qui se sont mal comportées et dont les intentions sont mauvaises. Il faut déplacer les propriétés, sans quoi on ne serait jamais sûr dans ce pays.

Toutes ces mesures, prince, sont de rigueur ; l’empereur ne vous laisse la liberté d’en modifier aucune. Vous devez déclarer que c’est par ordre exprès de Sa Majesté, et agir en temps et lieu avec la prudence nécessaire.

Tous les hommes connus pour être chefs de révolte doivent être fusillés ou envoyés aux galères.

Quant au Mecklembourg, l’instruction générale est que ses princes sont hors de la protection de l’empire ; mais il n’en faut rien laisser apercevoir, et probablement Sa Majesté aura le temps de donner des ordres. Comme les princes de Mecklembourg peuvent ignorer nos dispositions, vous pouvez promettre d’abord tout ce qu’on voudra, en y mettant pour restriction, sauf l’approbation de l’empereur. L’approbation étant parvenue, tout se trouverait en règle.

Vous enverrez le général Vandamme en avant avec votre quartier-général. Il faut avoir soin, prince, de ménager ce général, les hommes de guerre devenant rares.


Bien qu’un des dons principaux de Berthier fût une étonnante sûreté de mémoire, qui lui permettait de reproduire avec une fidélité sténographique les moindres nuances de la pensée de Napoléon, on peut dire cependant qu’il y a dans cette dépêche une part de sa propre personnalité. N’y sentez-vous pas en effet la joie qu’il éprouve à transmettre de tels ordres à son rival détesté et la recommandation finale sur les égards que Davout doit avoir pour Vandamme n’était-elle pas une flèche de Parthe aussi adroitement que cruellement décochée ?

L’excuse de cette dépêche, c’est qu’il est probable qu’en la dictant, Napoléon songeait beaucoup moins à faire œuvre de vengeance qu’œuvre de politique. Ce qu’il se proposait de frapper dans Hambourg, ce n était pas seulement une révolte partielle c’était la révolte générale de l’Allemagne. Il voulait, pendant qu’il en était temps encore, intimider la défection, et demandait à son lieutenant un exemple capable d’effrayer les populations, sachant, en politique qu’il était, que la terreur est dans les masses contagieuse à l’égal de a colère et de l’audace. En recevant ces ordres, Davout se sentit mal disposé à les exécuter. Nous connaissons sa maxime favorite : faire à l’ennemi tout le mal nécessaire, mais ne lui faire que celui-là ; et cette maxime, il ne l’appliquait souvent qu’à regret. Tout