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y a une orthodoxie républicaine, un règne des républicains, ce que ces républicains ont fait, ce qu’ils font chaque jour pour assurer la dignité et la stabilité des institutions, pour recommander et populariser la république. On se demande sérieusement, non sans une certaine anxiété, où nous en sommes et où nous allons, quelles garanties ou quels présages nous lègue laissant l’année qui n’est déjà plus. Que la session qui vient d’être close ait un peu moins mal fini qu’on ne l’a craint un instant, que le parlement ait pu se retirer en paix, pour quelques jours le pays tranquille, rien de mieux. C’est pourtant, on en conviendra, un étrange régime que celui où, jusqu’à la dernière heure, on ne sait pas s’il y aura un budget, où une des deux assemblées ne peut exercer ses droits sans qu’on parle aussitôt de conflits et où, à part les menaces perpétuelles de crises, la vie parlementaire est à chaque instant encombrée d’un déchaînement d’outrages, de diffamations, de délations, — sous prétexte de défendre ou de servir la république ! Le fait est que cette fin de session ddt un assez triste couronnement de l’année et qu’elle pourrait donner une idée singulière du progrès des institutions nouvelles.

Les incidens passent, sans doute. Ce qui reste, c’est la situation dont ces incidens sont l’expression, qu’ils éclairent parfois d’un jour étrange, et cette situation, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, elle est elle-même la suite de ce mouvement ininterrompu qui se poursuit depuis quelques années, qui a fait passer successivement la présidence du conseil de M. Dufaure à M. Waddington, de M. Waddington à M. de Freycinet, de M. de Freycinet à M. Jules Ferry. Chacun de ces changemens a été un pas de plus où, si l’on veut, un progrès nouveau de ce mouvement qui, à partir de la retraite de M. Dufaure, est allé en se précipitant, qui se résume désormais en un fait caractéristique, — l’invasion de l’esprit de parti et de secte dans les affaires de la France. Que les républicains, qui ont aujourd’hui le pouvoir et l’influence, aient agi de propos délibéré, avec calcul ou par un emportement frivole, ils ont certainement, dans tous les cas, réussi à imprimer à la république un étrange caractère et à l’engager dans de dangereuses entreprises. Leur faute a été essentiellement de prétendre faire de la politique avec des passions et des préjugés de secte, d’ériger en système ce qu’ils ont appelé la guerre au cléricalisme. Ils ont cru être des hommes d’état, ils n’ont été tout simplement que des fanatiques d’un autre genre obsédés d’une idée fixe. Ils ont vu le cléricalisme partout, ils l’ont poursuivi sous toutes les formes, avec toutes les armes, dans l’enseignement, dans l’administration, dans la magistrature, même dans l’armée, au risque d’offenser des croyances sincères, des cultes traditionnels. Ils ont cru habile d’interdire à de modestes serviteurs de l’état d’envoyer leurs enfans chez les frères, de chasser du chevet des malades et des vieillards de pauvres sœurs de charité, et ils n’ont pu