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LA
CORRESPONDANCE POLITIQUE
DU
COMTE PROKESCH-OSTEN

Un philosophe disait : « Je suis terriblement dégoûté de la politique, et je me suis promis de ne plus m’en occuper. » Quelqu’un lui répondit : « Fort bien ; mais êtes-vous sûr que la politique ne s’occupera jamais de vous ? » Peu de temps après survint une crise ministérielle, et le philosophe perdit une place assez lucrative à laquelle il avait la faiblesse de tenir beaucoup. Ne faut-il pas que tout le monde vive, même les philosophes ? Ceux qui se plaignent qu’on leur parle trop souvent des affaires d’Orient feraient bien de méditer cette instructive anecdote. Ils déclarent que peu leur importe de savoir ce qui se passe à Athènes, à Sophia, à Philippopoli ou dans la Montagne noire, qu’ils n’y prennent aucun intérêt et aucun plaisir, qu’il convient de laisser les Hellènes, les Bulgares, les Albanais et les Turcs vider ensemble leurs débats, que le devoir du sage est de s’en laver les mains et de vaquer tranquillement à son ouvrage. On pourrait répondre à ces indifférens : Êtes-vous bien sûrs qu’il ne s’agisse en tout cela que du bonheur des Hellènes et des Albanais ? êtes-vous bien sûrs que le vôtre n’y soit pour rien ? Vous avez juré de ne plus vous occuper des affaires d’Orient ; vous ont-elles promis de ne pas s’occuper de vous ?

Une longue et fâcheuse expérience a démontré que les moindres incidens qui se produisent dans la péninsule du Balkan intéressent et mettent en péril la paix de l’Europe. Il faut ajouter que