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écraser d’un seul coup les Indiens. A Campêche, le commandant trouva une certaine agitation sourde répandue par les partisans de Garcia. Ils propageaient dans la population des nouvelles alarmantes et pouvaient se remuer d’un moment à l’autre. Il recommanda en conséquence la plus grande sévérité et la plus grande rigueur au capitaine Lardy, qui commandait la garnison française du génie colonial. Tout individu convaincu de menées quelconques et de propagation de faux bruits dut être embarqué sur-le-champ et évacué sur Vera-Cruz. En cas de résistance ou de menace d’émeute, la garnison devait faire usage de ses armes. Enfin, sous aucun prétexte, même celui de tirer des feux d’artifice, aucun débit de poudre de guerre ou de chasse ne devait être toléré. Ces différentes mesures étaient suffisantes pour prévenir tout mouvement à Campêche.

Ces soins pris, il fallait préparer l’expédition de Tabasco. L’on va directement de la mer à San-Juan Bautista par la rivière de Tabasco, mais l’on peut s’y rendre également en partant de la lagune de Terminos, où Carmen est un point commode de rassemblement, en dehors des éventualités fâcheuses de mer. On pénètre de la lagune dans l’intérieur par la rivière de Palizada, que nous occupions ; on remonte à Jacinta ; on prend alors la rivière de l’Usumacinta, qui mène par le coude de San-Pedro à la rivière de Tabasco. C’est donc un détour assez long, mais sûr. Frontera, à l’embouchure de la rivière de Tabasco, nous appartenant, le parcours des deux lignes nous était assuré. L’ennemi n’avait d’ailleurs aucun moyen maritime de nous le disputer. Les canonnières, en divisions séparées, se fussent dirigées de Carmen sur San-Juan Bautista, l’une par la rivière de Tabasco, le Grizalva et le Chillepeque, deux arroyos voisins, l’autre par l’Usumacinta. La question la plus difficile était celle des troupes, que le maréchal promettait et refusait tour à tour. Il s’était d’abord agi de lever des gardes rurales, destinées plus tard au Tabasco, parmi les gens de Minatitlan, qui sont en grand nombre sur la route de Puebla à Vera-Cruz. Mais il y avait une difficulté d’argent : les recrues devaient, selon l’avis du maréchal, être payées sur Vera-Cruz comme à-compte remboursable par Tabasco. Il y avait aussi à fréter deux ou trois petits bâtimens indispensables pour enlever en peu de temps le personnel et le matériel des grands navires et leur faire franchir la barre de Tabasco. Les canonnières seules étaient insuffisantes. Il fallait aussi quelques mulets. Tout cela eût été remboursable également sur Tabasco. Mais une autorisation du maréchal était nécessaire, et, quoiqu’on l’eût sollicitée de lui, il ne l’envoyait pas. Le besoin de petits bateaux était si urgent que le commandant s’adressa au commissaire impérial du Yucatan pour obtenir