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dernière résistance sérieuse une fois vaincue, les bandes diverses, que nos colonnes avaient coupées par tronçons dans le nord, ne pourraient plus se rejoindre, et les brigands des environs de Vera-Cruz ne tarderaient pas à disparaître.

Toutefois, pendant que se faisaient les préparatifs de l’expédition du Oajaca, un incident auquel on pouvait s’attendre se produisit. On apprit que Tuspan était menacé par les bandes rejetées de Jalapa, jointes aux gens de Papantla, que les habitans, autorités et garnison en tête, étaient prêts à s’embarquer, et que les effets les plus précieux étaient déjà sur des bateaux. Au lieu d’essayer la moindre résistance, tout le monde lâchait pied. Le commandant Cloué expédia aussitôt le Forfait devant la barre. Le seul secours qu’il dut porter à Tuspan était de faire franchir la barre à un canot armé en guerre et de l’expédier devant la ville. De si peu d’efficacité réelle que pût être une si petite force militaire, on savait par expérience qu’elle avait une grande influence morale sur les bandes du genre de celles qui entouraient Tuspan. Cela devait suffire, en effet. Les bandes venant de Papantla, leur repaire habituel, avaient pour chef Lara, dont toute la vie s’était passée à ce métier de cabecilla. Elles se composaient de soixante-dix cavaliers et de cinq cent quarante fantassins, dont une cinquantaine de déserteurs, armés de carabines françaises et américaines. Les aventuriers passaient sur la rive gauche de la rivière de Tuspan, où est bâtie la ville, quand le canot du Forfait arriva. Ils se replièrent aussitôt. Le canot accosta, et son canon rayé de 4 fut débarqué sur la place de manière à enfiler la rue principale. La ville était sauvée. L’officier qui commandait le canot du Forfait trouva néanmoins tout le monde fort alarmé. Le préfet politique, M. Llorente, se ranima un peu au contact de l’officier français et organisa même la garnison pour tenter une sortie, si l’ennemi se retirait bien franchement. Cette garnison se composait de quarante-cinq cavaliers, dont vingt-cinq seulement montés, de cent quarante fantassins et de cent vingt hommes de milices, cette dernière force très peu sûre et bien plus disposée à se cacher dans les bois qu’à lutter. Tout ce monde cependant prit assez de courage pour tenter, le lendemain, de troubler la retraite de l’ennemi sur la rive droite. Cent hommes des plus résolus appuyèrent, en cheminant par la rive gauche, le canot du Forfait, qui remonta la rivière à trois milles.

Cette curieuse petite affaire permit de percer à jour et de visu la situation intérieure de Tuspan, qui était à peu près celle de toutes les villes du littoral. Le préfet politique se faisait une rente avec les impôts qu’il frappait de temps à autre sur les négocians pour payer des troupes, dont l’effectif très incomplet se grossissait, dans ses envois d’état à Mexico, de soldats de paille