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endant que les troupes de terre occupaient à l’intérieur les différentes provinces de l’empire ou en poursuivaient la conquête, la marine avait pour mission de surveiller les côtes, d’y lier ses communications avec l’armée, d’y porter à chaque instant les détachemens nécessaires, de rechercher les corsaires juaristes ou américains dont l’armement ou la présence déjà signalés étaient un objet de vive préoccupation, de centraliser à Vera-Cruz le service des transports et d’approvisionnement de la flotte et de l’armée, et de concourir, dans ses seules limites d’action maritime toutefois et en ne débarquant que très éventuellement ses équipages, à toute opération dirigée contre un point de la côte. Ce n’était point là une mince besogne, surtout dans l’état encore très précaire de notre domination.

Tout le long littoral en effet de 250 lieues de Matamoros jusqu’à Campêche n’était qu’imparfaitement réduit ou prêt à se dérober au joug dès qu’une circonstance favorable se présenterait. De Matamoros, qui venait d’être pris au mois d’août, jusqu’à Tampico inclusivement, où se faisait sentir la main de fer du colonel du Pin, aucune complication ne semblait à craindre, au moins pendant quelque temps. Quant au port de Tuspan, situé entre Tampico et Vera-Cruz, la fidélité qu’on nous y gardait était douteuse. La position pouvait être perdue d’un jour à l’autre par la faute ou la connivence des chefs mexicains à qui on l’avait confiée. Depuis Tuspan jusqu’à Vera-Cruz, toute la côte était ennemie, et nous ne pouvions avoir de relations avec aucune des villes situées au dedans des barres de Cazones, Lima, Tecolutla et Nautla. La ville de Vera-Cruz, bien qu’en notre pouvoir, était entourée de guérilleros qui venaient frapper aux portes et enlevaient du monde sur l’Alameda. Les guérilleros avaient établi des douanes à l’aide desquelles ils percevaient des droits sur tout ce qui entrait en ville ou en sortait. Les négocians qui voulaient assurer leurs marchandises envoyaient tout simplement demander, moyennant finances, un laissez-passer à Garcia, le chef de ces bandes. Il était possible qu’un beau jour ces brigands, les libéraux, comme on les appelait alors, fissent une tentative contre Vera-Cruz. Au sud de Vera-Cruz, il y avait une compagnie de volontaires créoles de la Martinique et deux canonnières pour garder Alvarado. A l’ouest de cette ville et jusqu’à Carmen, toute la côte était à l’ennemi. On ne savait pas trop quelles étaient les dispositions du Goazocoalcos et de Minatitlan, mais les négocians français de Vera-Cruz, qui furent toujours très loin d’épouser la cause de l’intervention, devaient être mieux renseignés, car ils avaient naguère très exactement instruit les habitans de ce que nous projetions contre eux. Au Tabasco, qui ne nous appartenait pas, les dissidens, enhardis par la récente retraite du général